La décolonisation est la forme la plus instinctive et la plus avancée de la liberté. Elle est lavant-garde de toutes les libertés. Mais elle est la plus malheureuse de toutes, car elle na pas tenu ses promesses.
Javais annoncé que je ferais mieux que les Européens mais, un demi-siècle après, je ne sais toujours pas où jen suis, si javance ou si je recule, si je suis un primitif ou un moderne, un sauvage ou un civilisé, si jaime la patrie ou si je lexècre.
Suis-je encore le jouet de forces extérieures qui me dépassent ? Ou bien est-ce moi qui précipite ma perte par mes erreurs et mes aveuglements ? Mais jai beau me chercher des excuses, elles ne me convainquent pas. Quoi, encore victime, moi ? Non, cest trop facile. Je ne suis plus cet objet hébété, inconscient, subissant les effets sans être pour rien dans les causes, dépouillé de ses facultés de penser et dagir. Je ne suis plus sous tutelle. Je suis souverain.
Demblée, Hélé Béji donne le ton : « liberté » est le maître mot de sa brillante analyse sur la fin du colonialisme, lIndépendance et la démocratie dans son pays, la Tunisie – qui est ici parangon de tous les jeunes États ayant gagné leur indépendance de haute lutte dans les années 1950-1960. Si, parmi les causes des errements et des incuries des « jeunes pays », elle noublie pas les crimes et les injustices des ex-puissances coloniales, ce sont surtout les responsabilités de ces jeunes nations quelle entend stigmatiser dans cet essai.
Hélé BEJI, née BEN AMMAR (LC 1965/s.ex.)dans une brillante analyse sur l’après-indépendance aux éditions ARLEA (Paris, 2008)