La musique a un pays : CUBA par Dominique LE LANN-TEMAM (du 13 au 23/3/12)

Nous le savons tous, les voyages Carnot offrent de nombreuses vertus thérapeutiques. Grâce aux bons soins de Lina et Michel nous rentrons toujours très heureux et plein d’entrain à Paris.
Une fois de plus, ils ont fait fort.
Nous offrions, à la fin du séjour, un spectacle plutôt intrigant. Imaginez Lulu les yeux brulants de fièvre, Simone éternuant à qui mieux-mieux, Nicole engoncée dans son manteau malgré les 30°, Dominique ahanant au bout de 3 pas, quant au reste de la troupe : vautrée sur les transats de la somptueuse plage dorée de Varadero, immobile, absorbée dans la contemplation du Turquoise de l’Océan. Heureusement nous avons eu droit à une bonne piqûre reconstituante. Ah , la fameuse Piqûre !
Tout ça c’est de leur faute : à Lina, Michel, la guitare de Michel, Les Cubains, le Parti Communiste, l’embargo des USA, le car, le micro du car, la danse, la musique, le Rhum, le coup de soleil. On a démarré le voyage trop vite.
LA HABANA !
Imaginez : le 1er jour, déjà, rendez vous à l’illustre école de danse de la Havane. Cours de Salsa, visite du musée du Rhum , de la ville et…. des très nombreux orchestres PARTOUT dans la ville. Dès que Lucien entend le « son cubain », il se précipite, prend d’emblée les instruments de percussion du joueur (qui les lui prêtent bien volontiers) et ça commence. Tout le monde suit…
– SCOOP : à Cuba, c’est Lucien qui a fait danser l’orchestre…. Pas l’inverse.
Entourés des fumeurs de Havane, on a dansé les Cha-cha, le Mambo, la Salsa, la Rumba… jusqu’à plus soif ! et on a tellement parlé, tellement rit, tellement chanté, tous entrainés par Michel et sa guitare ! Même Daniel au micro entonnant « j’ai quitté mon pays ». Du jamais vu, jamais entendu.
Retour sur image. Les « Carnots » arrivent ! Juste avant le Pape, à la Havane. On le sait, c’est le dernier « vrai » pays communiste de la planète. Heureusement, à Paris, on commence à parler de restriction à cause de la crise. Ca tombe bien. Ici, on peut vraiment mettre en pratique. Les délicates parisiennes n’ont qu’à faire avec ou plutôt sans. Toutes ont apportés parfums, savons et autres franfreluches pour donner aux gens qui, ici, n’ont rien, sauf le nécessaire.
– HISTORIQUE : nous avons peut-être pu vivre et voir les derniers moments de l’influence Soviétique.
Les immeubles sont délabrés, parfois très délabrés. La liberté, très surveillée. Les rares véhicules aux antiques moteurs éructent des fumées d’usine dans un vacarme d’enfer. Lina n’a pas pu obtenir les hôtels souhaités, l’itinéraire tant convoité, le car flambant neuf. Sans doute une histoire de bordereau sans LE tampon officiel ? Mais qu’importe, car Cuba c’est réellement fabuleux. La jeunesse dorée et intello de Paris le sait bien : c’est l’une de leurs premières destinations.
Ici, le monde entier se retrouve. On a vu une roche de Jérusalem gravée en hébreu et vénérée comme telle. Nicole a rencontré le dernier Ashkénaze de la ville. Ensemble ils ont parlé le Yiddish, Nicole a pleuré. J’ai vu gravé dans la vieille ville l’emblème de Saint Eloi, le Patron des fondeurs et autres bijoutiers. C’était la fête que chaque année mon Père célébrait à Paris, c’est là, que moi, j’ai pleuré aussi. J’ai vu des chinois, normal, sauf que ceux-là ici, viennent en « Camarade ».
J’ai même cru voir des « ruines romaines ». Rien de surprenant, l’architecture européenne y a largement emprunté son inspiration.
J’ai vu plein d’américains, ils sont de retour au pays natal. Une jeune fille aidait son grand-père à marcher, il redécouvrait le pays de son enfance. Tous avaient l’air ému.
Les touristes du monde entier sont nombreux, surtout les russes. Ici à Cuba, ligne directe avec Moscou.
Et c’est surtout une ville si belle, que l’on DEVINE si belle. Le temps a passé depuis 1958. Les américains sont partis en laissant leurs somptueuses demeures. Fidel Castro et Che Guevara, icône parmi les icônes, ont instauré l’idéologie communiste de leurs rêves devenus désuets. Ici tout le monde semble heureux. Mais la crise a accentué les travers du régime : de rares transports, interdictions de voitures personnelles. Par contre, écoles d’Art, de sports, de médecine pour tous.
Pendant que le communisme s’installait et parait au plus pressé : éradiquer violence, drogue, mafia omnipotente, pauvreté extrême, lentement, celle qui a du être la plus belle ville du monde, lentement, se lézardait.
Aujourd’hui il faut voir Cuba et surtout IMAGINER. Car le glorieux passé de la capitale des Antilles et le doux Paradis qu’il offrait aux américains, aux artistes et visiteurs de tous bords (Ah ! Souvenirs d’Hemingway) avant la révolution est bien abimé. Heureusement, peu à peu, les travaux redonnent fierté aux beaux bâtiments.
Imaginez…. Une grande ville parsemée de nombreuses et larges avenues. Des villas, non pas, presque des palais, entourés de sublimes jardins tropicaux. Partout la verdure, presque la jungle, les vastes places ornées de statues, de fontaines de marbre, les immenses ficus, la végétation tropicale enserre délicatement la ville dans ses odeurs, les ramures de ses fleurs et le chant des oiseaux des îles. Oui, tout cela a dut être magnifique. Les couleurs sont vives : les bleus, les roses, les rouges. Et puis le soleil, la mer …
L’énorme masse de la cathédrale, ses ornements baroques, les sombres intérieurs des édifices. Les Espagnols de la cruelle Isabelle la Catholique ont bâti toute la vieille ville. Revêtus de couleurs vives, les bâtiments offrent de riants aspects. Comme si les habitants du Nouveau Monde avait voulu effacer l’austérité, la dureté, les souffrances inhérentes à sa construction.
La Havane est un joyau que les esclaves ont construite. Toutes les anciennes grandes merveilles du Monde ont-elles donc été bâtie sur le sang des esclaves ? Ici, eux aussi ont pris leur revanche. La musique, la danse, ils en sont les créateurs, les Rois.
D’emblée, La Havane devient pour moi la Saint-Petersbourg de l’Amérique Latine. Outre, les similitudes politiques, les deux villes offrent les plus beaux ornements que la main de l’homme a su créer.
Surtout l’Art est partout, la musique bien sûr, la danse, le seul pays du monde ayant sacralisé la danse, dont on aperçoit partout les nombreuses sculptures et représentations, la peinture contemporaine sans oublier les délicieux tableaux naïfs.

On ne peut le nier, personne n’est resté indifférent et, pour beaucoup, La Havane a laissé entrer en nous une immense joie de vivre.
Durant ces jours passés dans la ville, la fièvre nous a pris dès le matin et a monté peu à peu : découverte, joie exubérante, enivrement de musique et de danse. Lucien a joué jusqu’à la transe, on a dansé. Cela allumait d’étranges lueurs dans les regards échangés entre les hommes et les femmes. Séduction animale de la danse. Des musiques, il faut savoir en épouser le son et vibrer à son rythme.
TRINITAD
En chemin, visite de Cienfueggos, de son illustre théâtre qui vit notamment Sarah Bernhardt.
Et là, la fièvre monte encore. Lizzie se précipite sur la scène qui a porté Caruso. Elle s’élance et nous gratifie, a capella, d’un craquant et charmant Lac des Cygnes. Elle n’a rien oublié de son ancienne grâce de danseuse étoile de Tunis. Le public s’enthousiasme, applaudie, crie et je pousse Daniel à déclamer des vers de Hugo ou de Molière qu’il connait par cœur. Le théâtre est à nous, profitons en. Las, Daniel n’a qu’un filet de voix, et son accent…. Bref, il se résout à faire le souffleur, et je déclame, habitée d’une joie sans pareille d’enfance oubliée. Lucien veut à son tour aller sur scène. Las, il n’y a pas d’instruments. Qu’a cela ne tienne, et nous voila reparti à rire à n’en plus finir en écoutant ses histoires.
Et puis, arrivée à Trinidad. Autre musique, autres odeurs. Ici on parle encore des esclaves. Ca n’est pas si loin : les grands parents et arrière grands parents des plus jeunes d’ici. Le spectacle commence, au fond d’une salle : le Palenque de los congos reales. Ici, l’Europe se fait plus discrète. Au cœur du pays des plantations de cannes à sucres, l’Afrique se rapproche. Ses descendants commencent à danser.
Le son de la musique est plus grave, il semble remonter de l’antique Afrique des esclaves. Il retrouve le son originel de la terre natale. Les danseurs, austères, ne sourient pas, la danseuse encore moins. Ils miment les durs travaux des champs, la vie quotidienne des ancêtres. Puis, peu à peu, l’ambiance se détend et soudain arrive sur scène le « bouchadia ». Stupeurs, amusements et commentaires vont bon train : tout ce chemin pour voir le fameux bouchadia ????? s’étonne Fabienne. Eh oui, l’Afrique australe n’est pas bien loin du Maghreb. Un seul et même continent.
Ah, j’oublie, la musique se termine par le son totalement inattendu d’un instrument, incongru dans ce lieu dédié au « paganisme ». Grandiose, soudain l’orgue des prêtres retentit : nous sommes bien en terre espagnole. Mais peut-être une musique pour accompagner les prières adressées à Dieu ? Adoucir la vie, accompagner le prêtre catholique qui, en ce temps, fut le seul, à se dresser contre le maitre pour défendre l’esclave. Beaucoup de « justes » d’une autre cause, oubliés aujourd’hui.
Changement de salle de musique. Nous entrons dans l’antre des adorateurs du célébrissime Buena vista Social Club de la Havane (voir le film de Wim Wenders. Sur France ô, dimanche 20h30 ). Les inspirateurs les plus illustres de la musique cubaine qui a depuis conquis le monde entier. Le Jazz est né pas loin d’ici, les danses des claquettes aussi. Respect. Avec une fois de plus Lucien aux commandes. Il a quand même, avant, sagement écouté pour tenter de prendre le rythme, la musique nous a transportés loin, très loin.
Nous étions heureux et …. épuisés.
Heureusement, Varadero nous a accueillis, nous a bercés, nous a soignés. Là, seulement, on s’est laissé vivre.

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