1933.1934, classe de 1ère


En Partant du Bas de Gauche à droite:
1er rang :1er – Ahmed ZOUITEN (1915-2008) Pharmacien, Ancien président du conseil de l’ordre des pharmaciens, 2ème : KHATECH
3ème rang : 3ème Hassen BELKHOJA ( 1916-1981 ) : Homme Politique , ancien ministre de Bourguiba , Ancien président de l’EST …
3ème rang : 6ème Hédi SAHAB ETTABAÂ : Ancien président de la société des courses de Tunis
Dernier rang : 5ème Edgard PISANI ( 1918 – ) Dr en Lettres , Homme Politique Français Membre de plusieurs gouvernements , Ancien Président de l’ institut du monde Arabe
Photo et liste envoyées par Khalil ZOUITENPhoto et liste envoyées par Khalil ZOUITEN. Dans cette classe de 1ère se côtoyaient les futurs ministres tunisien et français : Hassen BELKHODJA et Edgard PISANI.

1933.1934 en classe primaire


et nous livre le témoignage suivant : je vous envoie une photo de classe de1934 . Mon père est au 3 ème rang , 2ème en partant de la gauche….
Mon père s’appelle Maurice SCEMAMA. Né en 1923 à Tunis, il habitait avenue de Paris et son père avait une pharmacie. Sa mère s’appellait berthe Fitoussi.
Parmi ses cousins dont j’ai entendu parler il y avait le futur ponte de l’hématologie , le Pr Samama et yves Cohen, le futur doyen de la faculté de pharmacie de paris XI
Mon père a fait toutes ses études au lycée Carnot, y compris math sup et spé, fut reçu à l’écrit de polytechnique avant d’être séquestré au camp de Bizerte par les allemands. Il s’est évadé et a rejoint parmi les premiers les troupes du général De gaulle où il a combattu en afrique du nord à 20 ans et a été décoré .Son père étant décédé en 1945 il monta à paris pour faire ses études de pharmacie. Il obteint son diplome de docteur en pharmacie et docteur es science en physique , arriva major de l’internat de paris. Il fit carrière dans l’industrie pharmaceutique et notamment chez Upsa où il mit au point la formule de l’aspirine effervescente telle qu’on la connait encore aujourd’hui…puis il dirigea son propre laboratoire d’analyses médicales à Montparnasse pendant ses dix dernières années d’activité .
Il est décédé le 29 septembre 2003 …
C’était un homme brillant, excellent pilote d’avion, père exigeant, grand-père admirable, mais à jamais meurtri par ses mois de captivité et par le port de l’étoile jaune si bien qu’il n’a pas voulu élever ses enfants dans la tradition juive .C’est un homme qui a toujours souhaité ne pas se mettre en valeur là où d’autres auraient fait étalage…C’est à son humilité auquel je rend hommage en vous envoyant cette photo de ce qui furent ses années de bonheur sans nuage….
cordialement

son fils
Philippe Scemama
Philippe nous envoie une photo de classe de son père Maurice Scemama

La vie Culturelle à Tunis, de Daniel PASSALACQUA

sur la vie culturelle à Tunis au 19ème siècle et dans le premier tiers du 20ème siècle traduit de l’italien par Daniel PASSALACQUA (lc1947 sc.ex)

Bab el B’har, ou Porte de la Mer, aujourd’hui dénommée également Porte de France, en était la limite à l’est, et s’ouvrait presque directement sur le Bahira ou Lac de Tunis; elle permettait l’accès de la ville aux marchandises et aux voyageurs qui, débarqués à La Goulette, traversaient le lac sur des barcasses qui accostaient au mole qui se trouvait sur le site de l’Ambassade de France actuelle, devant le cimetière chrétien de Saint Antoine hors des murs (créé au 17ème siècle sur un terrain offert par le Bey mouradite Hamouda Bacha, et déplacé en 1892 au Cimetière de Bab El Khadra, pour permettre de construire la Cathédrale actuelle).

Les communautés européennes chrétiennes ou juives livournaises s’étaient établies dans la zone franche qui s’étendait le long des murs, des deux cotés de la Porte de la Mer, dans les rues Sidi Bou Mendil, de la Commission, des Glacières, en pénétrant dans la Médina sur quelques centaines de mètres dans les rues Zarkoun, de la Kasbah, Jemaa ez-Zitouna (où se trouvait depuis le 17ème siècle l’Eglise de Sainte Croix), jusqu’aux rues transversales El Karamed, Sidi el Mourjani, des Teinturiers à son embouchure vers Bab Jedid, et dans le quartier de Sidi el Benna (où se trouvait l’Eglise Sainte Lucie), plus particulièrement pour ce qui concerne ceux qui appartenaient à la classe ouvrière, petits artisans ou boutiquiers.

Au début du 19ème siècle, une collectivité italienne d’entité non négligeable résidait dans la zone franche, collectivité rapidement renforcée par l’arrivée de dizaines de familles de juifs livournais qui commencèrent à affluer à partir de 1815, en apportant avec eux, et de manière déterminante, les usages et les coutumes des sociétés européennes les plus évoluées, ainsi qu’un bagage culturel précieux. J’ai lu qu’il existait des salons littéraires, des salons où l’on faisait de la musique, qui rendaient agréables les soirées des familles bourgeoises, mais aussi d’initiatives pour distraire les personnes plus modestes. Aux initiatives privées succéda bien vite, en 1826, la première structure destinée à accueillir le public, quand ouvrit ses portes le Théâtre Tapia à la Rue Zarkoun, créé par la famille de même nom.

Ce n’était guère plus qu’une grande pièce, d’une capacité de 300 personnes environ, qui accueillait des spectacles lyriques avec des chanteurs venus d’Italie pour la circonstance, qui s’installaient à Tunis pour la « saison », mais aussi de concerts de diverse nature. Il était probable qu’on y donnait des pièces de théâtre également. Pour l’opéra et les concerts, les chœurs et l’orchestre étaient stables et composés donc de membres de la communauté italienne Les effectifs de l’orchestre étaient réduits à la plus simple expression, (j’ai lu qu’il pouvait s’agir de 15 à 18 musiciens), qui suffisaient de toute manière à rendre heureux les spectateurs qui accouraient de manière assidue et qui, avec leur compétence, confirmaient les qualités vocales ou musicales de nombreux débutants ou en compromettaient de manière définitive la future carrière.

Bien que l’information ne provienne pas d’une source indiscutable, il paraîtrait que Enrico Caruso, alors tout à fait au début de sa carrière, est venu interpréter le rôle de Turiddu dans la « Cavalleria Rusticana » de Mascagni, et que cet événement ait été jalousement gardé dans la mémoire de ceux qui eurent le privilège d’assister à ces représentations.

Pour les besoins de la chronique, je voudrais citer ce que me racontait ma grand-mère maternelle, née en 1879 à Tunis dans le Palais Gnecco à la Rue de la Commission, à savoir l’élégance du public qui accourait au Théâtre Tapia. Elle me racontait avec moult détails comment elle s’y rendait en famille, accompagnée par des domestiques qui ouvraient le chemin en l’éclairant de leurs lanternes: sa mère et ses sœurs (comme toutes les autres dames et demoiselles) chaussaient de hauts sabots dits « trampoli », pour ne pas souiller les escarpins de satin qu’elles portaient à la main, dans un petit sac, en marchant avec difficulté sur les pavés souvent irréguliers des rues et ruelles qui menaient au Théâtre.

Ce théâtre vécut jusqu’aux dernières années du 19ème siècle, c’est à dire jusqu’à ce qu’apparurent des structures plus adaptées au but à atteindre, aussi bien à l’intérieur de l’enceinte de la Médina, qu’à l’extérieur, dans la ville qui naissait sur des terrains bonifiés, récupérés sur le Lac Bahira.

**A partir de 1826 jusqu’aux premières années qui ont suivi l’instauration du protectorat français, la vie culturelle avait une spécificité plus particulièrement italienne et, en témoignage de sa vitalité, il faut citer les
divers théâtres qui existaient à l’intérieur de la Médina (même s’ils étaient moins importants que le Théâtre Tapia), comme le « Théâtre Italien » de la Rue Zahmoul (disparu en 1919/1920), destiné à la prose, ou celui de la Rue Sidi El Benna, dans la quartier de Bab Jedid (disparu en 1940/1941), installé dans un quartier à forte densité sicilienne, destiné surtout à la prose en dialecte ou à l’ « Opera dei Pupi » (ou Théâtre des Marionnettes siciliennes), dont je garde un souvenir de tout jeune enfant. D’autres lieux existaient mais les identifier et en documenter l’activité avec certitude nécessiterait une recherche approfondie, qui ne rentre pas dans mes possibilités présentes. Je citerai quand même le « Grand Théâtre » de la Rue Al Jazira, créé en 1876 dans les locaux offerts par le Bey à la collectivité italienne, destiné à la musique symphonique, disparu avant 1899, et le « Nouveau Théâtre » ou Théâtre Cohen, crée en 1875, consacré lui aussi à la musique classique.

J’ai parlé ci-dessus de vie culturelle plus particulièrement italienne parce que l’écrasante majorité des européens qui vivaient alors à Tunis étaient d’origine italienne. Après 1881 Tunis est devenue de plus en plus cosmopolite et, si l’identité culturelle italienne continua à exister, elle ne devint qu’une importante composante de la vie de la ville.

Cette importance est témoignée par d’innombrables éléments, que je pourrais citer d’une manière plutôt sommaire, mais dont la connaissance devrait être approfondie.

Après 1881 la ville commençait à s’étendre en dehors des murs, et plus particulièrement vers l’est, sur des terrains marécageux, au fur et à mesure de leur assèchement, et c’est ainsi qu’apparurent les rues Hamilcar, Charles de Gaulle (naguère d’Italie), Gamal Abdelnasser (naguère Es-Sadikia), de Hollande, de Grèce, de Carthage, vers le sud, de Rome, d’Alger, Bach Hamba (naguère Saint Charles), de Paris, vers le nord, mais surtout l’Avenue de France et l’Avenue Habib Bourguiba (d’abord baptisée « de la Marine », puis « Jules Ferry »). Ces rues et avenues portent toujours les traces précieuses de l’œuvre d’architectes, souvent italiens, et d’entreprises et ouvriers italiens.

Pendant cette période, la population connaissait un développement rapide et important, dont je donnerai quelques indications chiffrées en marge; cet accroissement, qui voyait la communauté italienne atteindre environ 50.000 habitants en 1899, était à l’origine d’une grande effervescence dans tous les domaines et d’un développement exceptionnel de l’activité culturelle.

En 1882 était crée le théâtre de plein air italien appelé « Arena Politeama » à la Rue de Belgique, qui a toujours été très fréquenté à chaque saison, pendant toute la durée de son existence. Presque en même temps était crée à la Rue M’hamed Ali (naguère de Constantine, parallèle de l’Avenue de France, qui reliait la Rue des Maltais à la Rue de Rome) le Théâtre Cohen-Tanuji, à l’initiative d’une famille de juifs tunisiens fortement italianisés, très raffinés et cultivés, où furent donnés pendant de longues décades des spectacles en prose et musicaux de nette influence italienne, et qui fut fréquenté avec assiduité par notre collectivité.

En 1885 ouvrit ses portes le « Teatro Paradiso » (ou Théâtre Paradis) au 3, Avenue de France, dédié à l’art lyrique, à la musique symphonique et aux concerts, et également à la prose. Il est possible aujourd’hui encore d’admirer sa façade élégante, bien qu’elle soit en partie masquée par les arbres, alors que son foyer et les escaliers frappaient jusqu’aux années 1952/53 par leur beauté et la richesse des marbres et des fers forgés artistiques. Malencontreusement, la banque qui était devenue propriétaire de l’immeuble, fit alors recouvrir ces splendeurs par des structures en béton, froides et anonymes, pour une très discutable modernisation.

Trois grands évènements suivirent, de 1902 à 1906, avec l’inauguration d’abord du Théâtre Municipal, qui existe toujours dans sa forme définitive de 1912, puis en 1903 du Théâtre Rossini, tous deux situés Avenue Jules Ferry, enfin en 1906 du Théâtre du Palmarium à l’Avenue de Carthage.

Le Théâtre Municipal, projeté par l’architecte français Resplandy et construit par une entreprise italienne, a été remodelé et agrandi en 1904 et en 1912 et a tout de suite constitué la réalisation dont la Commune de Tunis s’enorgueillissait. Sa naissance et sa vie depuis 1902 jusqu’à nos jours ont été racontés par Fatma Ben Becheur dans un livre splendide édité en 1999. Il a été jumelé pendant de longues années avec l’Opéra de Paris, et a ainsi bénéficié du concours des meilleurs chanteurs du moment, qui venaient à Tunis pour un cycle de représentations ou pour toute une saison, en trouvant sur place des chefs d’orchestre, des orchestres et des masses chorales stables et de qualité.

Si je me fie aux souvenirs acquis grâce à ce que me racontaient ma grand-mère maternelle ou mes parents (tous trois épris de musique en général et d’opéra en particulier), le Rossini était un théâtre splendide et tout
à fait fonctionnel, même si la gestion privée des propriétaires et impresarios, Trionfo et Palomba, ne
permettait pas toujours de concurrencer le niveau des réalisations du Théâtre Municipal, qui bénéficiait de contributions communales. Le chef d’orchestre et les chanteurs venus d’Italie pour toute une saison, étaient généralement de bon niveau, alors que l’orchestre et les choristes étaient recrutés sur place. On m’a parlé de représentations mémorables et exaltantes. Vers la fin des années 20, Trionfo et Palomba durent cesser leur activité à cause de son poids économique trop important, et ainsi disparut un théâtre dont la collectivité était fière. Le grand magasin de meubles Boyoud s’installa alors dans ses murs jusqu’en 1959/1960, pour céder la place au cinéma Le Palace.

On peut sourire en apprenant qu’au Théâtre Rossini tout le répertoire français était chanté en italien, alors qu’au Théâtre Municipal tout le répertoire italien était chanté en français, et il en a été ainsi jusqu’en 1952/53.

Le Théâtre du Palmarium constituait la structure centrale dans le carré composé du Théâtre Municipal, du Grand Café du Casino et du grand hôtel international Tunisia Palace, dont les bâtiments communiquaient tous entre eux. Il appartenait lui aussi à la Municipalité de Tunis et était destiné principalement à la revue, au cabaret, à l’opérette, au cinéma, mais il avait également en annexe un casino, au cours du premier quart du 20ème siècle. Il a été détruit par les bombardements de février 1943, il a été reconstruit en 1947 pour être consacré presque exclusivement au cinéma. Il a été démoli dans les années 90, ainsi que le Tunisia Palace, pour construire le complexe commercial actuel.

La contribution que la communauté italienne a donnée au bon fonctionnement de ces trois établissements est tout à fait remarquable, car l’effectif des trois orchestres (plus de 150 musiciens) était composé de manière très majoritaire de musiciens professionnels italiens; de nationalité italienne étaient également presque tous les choristes, les machinistes, les électriciens!!..

On ne peut pas négliger le rôle fondamental joué par des artistes italiens pour la formation technique et l’affirmation artistique d’une foule de jeunes. Parmi des dizaines de noms, je citerai pour les premières trente années du 20ème siècle Monsieur Strino, violoniste talentueux, qui enseigna le violon et le chant, Monsieur Pullicino, Monsieur Salvatore Venezia, trompettiste virtuose et enseignant inflexible, qui forma entre autres pratiquement tous les membres de sa famille, de son fils Giuseppe (appelé affectueusement Jou-Jou, pour évoquer le fait qu’il avait à toute heure de la journée son violon sous le menton, et qu’il arpentait son appartement en faisant des gammes), aux neveux Jean Sant, violoniste élégant d’une grande musicalité généreuse et frémissante, et Guglielmo Gurrisi, flûtiste expressif et subtil (à lui également on avait affublé un surnom amusant, Frin-Fri, car tout comme son cousin Giuseppe, il avait à tout moment sa flûte aux lèvres). Je ne voudrais pas oublier parmi les très nombreux autres élèves de Salvatore Venezia un violoniste très raffiné et un peu précieux, Armand « Sarino » De Carlo, dont le père, un des plus grands tailleurs de Tunis avec mon grand-père maternel Domenico Cellura (son vis-à-vis au 4, Rue d’Alger), avait en vain essayé de contrecarrer sa vocation pour en faire un bon tailleur, et mon propre oncle Angelo Cellura.

Giuseppe Venezia a été pendant de longues années premier violon dans l’orchestre de Santa Cecilia à Rome, puis est revenu à Tunis dans les années 70, en devenant kappelmeister de l’orchestre de la Ville de Tunis. Sant, Gurrisi, De Carlo (e Boccanera, facétieux bassoniste, et bien d’autres) ont constitué l’ossature du grand orchestre symphonique de Tunis, reconstitué par Luis Gava en 1946, puis, après sa dissolution en 1957/58, de l’orchestre du Centre Culturel International, voulu par Cecil Hourani, créé par Anis Fulheian, qui a cessé son activité en 1969.

Après la disparition du Théâtre Rossini, de toute manière, la vie culturelle italienne dans le domaine musical se confond et se fond avec celle de tous les autres strates de la population cosmopolite de Tunis, avec sans doute une empreinte plus particulièrement française. La période allant de 1947, c’est à dire de la date de pleine reprise de l’activité musicale, opéristique, concertiste et chambriste, à nos jours pourrait probablement et utilement faire l’objet d’une publication ultérieure.

On ne peut pas taire, pendant ce long laps de temps, la dense activité de la « Dante Alighieri », créée en 1893, qui, en plus de l’œuvre infatigable accomplie pour maintenir l’italianité de la communauté qui résidait en Tunisie, pour lui consentir notamment de développer la connaissance de la littérature italienne, a eu un rôle considérable pour la diffusion et l’approfondissement de la culture musicale, en organisant des concerts aussi bien dans son siège primitif de la Rue Zarkoun, puis dans le nouveau et prestigieux siège bâti dans les années 1933/34 à la Rue Thiers (aujourd’hui Rue Ibn Khaldoun – ce siège fut mis sous séquestre en 1943 par les Autorités du Protectorat et attribué à l’Alliance Française, pour devenir après 1956 la Maison de la Culture Ibn Khaldoun). Le Conservatoire de Musique que la Dante Alighieri créa fut d’abord dirigé de manière remarquable par Madame Coen, venue expressément de Rome dans ce but, alors que son dernier directeur a été le Maestro Tito Aprea, qui fit une carrière prestigieuse après sont retour en Italie en 1943.
Ce Conservatoire a été fréquenté par de nombreux élèves non seulement italiens mais également appartenant aux Collectivités française et juive tunisienne, ce qui a permis à des enseignants souvent talentueux de former de très nombreux musiciens, dont plusieurs devinrent des professionnels très appréciés.

Il est évident qu’au cours des deux siècles écoulés la collectivité italienne a donné vie à une intense activité dans le domaine de la prose, avec la présence à certains moments de nombreuses compagnies d’acteurs amateurs enthousiastes, mais également grâce aux troupes venues d’Italie. Après 1939 ce fut le silence; vers 1950/51 reprit l’activité des compagnies d’amateurs, puis dans les années 1953/54 il y eut une timide reprise des tournées, mais elle ne fut pas durable. Je ne suis toutefois pas la personne la plus qualifiée pour parler de prose, et je serai heureux si d’autres que moi se proposaient d’explorer ce domaine très important dans la vie de notre collectivité. En ce qui concerne l’école, c’est là un domaine très vaste, qui est traité séparément par des spécialistes.

Les indications fournies ci-dessus sont certainement pleines de lacunes et insuffisamment précises. C’est pourquoi je les ai qualifiées de sommaires; elles ont surtout pour but de constituer les prémices à un travail collectif beaucoup plus approfondi.

Pour compléter le panorama des possibilités culturelles offertes à Tunis naguère, je crois nécessaire de citer quelques autres théâtres qui eurent une vie plus ou moins heureuse et durable :

– le “Théâtre Français” situé 68, Avenue Jules Ferry, crée en 1882, destiné à la prose
– le “Petit Théâtre” de Douchet Avenue Jules Ferry, qui vécut de 1898 à 1902, destiné à la prose
française
– le “Théâtre Tunisien”, situé 39, Avenue Jules Ferry, créé en 1901, destiné à la prose
– le “Café Théâtre Egyptien”, situé 38, Avenue Jules Ferry, créé en 1900, destiné à la prose en
langue arabe
– le“Café Théâtre de la Monnaie”, créé en 1890, disparu en 1914
– le “Teatro Italiano” de la Rue de Turquie, dit « Circolo artistico », contigu au journal L’Unione,
créé avant 1900, disparu en 1943, destiné à la prose et aux varietés
– le “Théâtre de plein air » de l’Avenue Jules Ferry, sur le site actuel du Ministère de l’Intérieur,
destiné à des spectacles de varieté mais aussi à des match de catch
– le “Théâtre de plein air » du Passage, créé en 1908, disparu aux environs de 1930
– le “Théâtre” de l’Avenue Lucien Saint (aujourd’hui du Ghana), disparu dans les années 20
– le “Théâtre Mondial”, situé Rue Thiers (aujourd’hui Ibn Khaldoun), créé en 1910, destiné à la
prose et aux varietée, transformé en 1934/35 en cinéma , toujours existant
– le “Théâtre du Casino’ de Hammam-Lif”, créé en 1898, destiné à la prose et varietés, disparu
dans les années 40
– le “Théâtre de Khereddine”, créé en 1899, destiné à des spectacles lyriques (avec un orchestre de 6/7
musiciens !!!…) ou de varieté, très frequenté du mois de juin au mois de septembre par une clientèle
très élégante qui dînait au champagne après le spectacle dans le très renommé restaurant, disparu
dans les années 1914/15. En 1905, le dîner très raffiné, digne des meilleurs restaurants parisiens (sic)
coutait 5 francs !!..

Additif – Données démographiques sommaires, communiquées pour donner quelques bases utiles à la reflexion :

– Au début du 19ème siècle,environ 1.500 italiens residaient de manière permanente à Tunis, à l’interieur
de la Médina, alors que les français étaient une centaine (même si parfois c’était des sujets de Royaumes
ou Granduchés italiens, au service des Chambres de Commerce ou des Comptoirs français,
devenus citoyens français après 1789: c’était le cas des gênois Gandolfo, envoyés à Tunis vers 1650
comme représentants de la Répu blique de Gênes devenus citoyens français, en transformant leur nom en
Galdolphe, lorsque Napoleon Bonaparte reunit Gênes et le Piemont à la France; un dernier membre de
cette famille vit toujours à Tunis). Au cours du 19ème siècle, leur nombre est allé croissant régulièrement,
pour connaître une très forte augmentation avec l’émigration provenant du sud à partir de 1870.

– En 1880, la ville de Tunis semble avoir compté entre 40 et 50 mille habitants, parmi lesquels les italiens
étaient au moins 4 mille et les français quelques centaines. Après 1881avec l’expansion de la ville hors
des murs, la population a connu une augmentation rapide et importante.

– Le recensement de 1906 donne les chiffres suivants, spectaculaires:
– population globale du pays = 1.900.000 habitants, dont 1.703.142 tunisiens musulmans, 64.170 juifs
tunisiens, 81.156 italiens, 36.610 français, 10.330 maltais, ainsi que des grecs, des espagnols, etc. etc.
– population de Tunis et alentours = 400.024 habitants, dont 52.076 italiens, 18.626 français , 5.000
maltais.

Qui pourrait imaginer aujourd’hui, à l’aube du 21ème siècle, l’intensité de la vie culturelle que connaissait la communauté européenne de Tunis, surtout italienne, il y a 110 – 120 ans, alors que la ville était presque entièrement enserrée à l’intérieur de ses murailles.

extrait du volume « Memoria della Collettività Italiana »

1931-1934 (photos prises entre 1931 et 1934)


Assis : à gauche Cristiani, à droite Bader
> 1er rang et de G à D : Tahar avec le fez, Goltaire – Crouzet – Relinger –
> l’économe – Perrachon – Lecomte – Mme Hron – Auclerc – Figre – Halabor –
> Mercier – Antonetti – Clapier – Bussutil.
>  »3ème rg » : Chaltiel partiellement caché par le fez, Nicolas à l’extrême
> droite.
> Dernier rang : Haffner – Barbarin – Sivun – Jephar – Lacaux – They –
> Xamber… – Zermatti – Fleurette – Vieu ou Vicu – Latil – Michel Duchereau,
> mon père –

Une photo de groupe de la même époque regroupant essentiellement les
> pions. ( derrière l’arbre on aperçoit la grille d’entrée ).
> 1er rg : 2 Mercier – 5 Figre – 6 Lecomte
> 2ème rg : 3 Zermatti – 4 Duchereau – 6 Perrachon

Photos et listes envoyées par Jean-Claude DUCHEREAU : « Une précision : Si sur la photo 2 c’est l’administration dont les pions qui figurent, sur la photo 1 il y a des pions, des responsables ET des étudiants au-delà du bac.
Mais surtout les 2 photos datent de la période Mai 1931 – Septembre 1934 où mon père était pion ».

Paul SEBAG

(en 1956, professeur de français au lycée Carnot)
In Memoriam
Paul SEBAG
26 septembre 1919 – 5 septembre 2004

Décédé à l’âge de 85 ans à Paris où il a passé une seconde moitié de vie très féconde sur le plan de la production scientifique (1), Paul Sebag laisse une œuvre riche et variée : une vingtaine de livres et une trentaine d’articles académiques.
C’est dans la revue Ibla qu’il publie, en 2004, son dernier article consacré aux origines de l’Orient romanesque, de même qu’il a abordé auparavant, au sein du même périodique, d’autres sujets relatifs à l’histoire de la Régence de Tunis (voir infra, la liste détaillée de ses publications).
Originaire de Tunis où il est né deux ans après la fin de la première guerre mondiale, P. Sebag qui a commencé sa carrière professionnelle en tant que professeur de philosophie au Lycée Carnot publie, en 1951, son essai de monographie de la Tunisie (2). Ce livre est vite devenu une référence en raison de sa précision analytique et de son approche globale, embrassant aussi bien les conditions naturelles que les grands évènements historiques, l’assise économique, l’enseignement, la culture ainsi que la structure politique.
Ce qui frappe le plus dans cet ouvrage de synthèse, c’est l’abondance de la documentation, la rigueur de l’argumentation matérialiste ainsi que la distanciation qui n’exclut point l’engagement – exprimé dans le dernier paragraphe du livre – pour la lutte de libération du peuple tunisien.
Cette position n’est point étrange au jeune Sebag qui adhère, malgré ses origines bourgeoises (3), au parti communiste tunisien (PCT), dès 1936. Lors de l’occupation allemande de la Tunisie, il est arrêté, torturé et condamné (4) aux travaux forcés à perpétuité avant d’être libéré. Il consigne alors ses souvenirs mais ne les publie, documents à l’appui, que soixante ans plus tard, dans un opuscule consacré à cette tranche militante de sa vie de jeunesse.
L’intérêt d’un tel écrit consiste évidemment dans le témoignage de l’acteur et dans la critique des historiens du parti communiste tunisien qui ne pouvaient cerner cette période, vu le manque d’archives, de journaux et d’entretiens avec les témoins de l’époque. Même s’il s’agit d’un récit à la première personne, l’auteur réussit le pari de rapporter les faits d’une manière objective. Ce n’est donc pas un ouvrage de partisan mais plutôt, selon les dires de l’auteur, un « devoir de mémoire » entrepris avec le recul du temps.
Ayant cessé d’être membre du PCT et ayant pris ses distances avec le mouvement communiste international sans toutefois se renier (« ne pas rougir d’avoir alors partagé cette illusion » écrit-il), il consacre sa vie ultérieure à la recherche et au savoir et s’impose, dans le champ académique, par son esprit de méthode et par sa vaste érudition.
Ses premiers pas de chercheur, il les accomplit en tant que chargé de recherches à l’Institut des Hautes Etudes, dans le Centre d’Etudes de Sciences Humaines dirigé par G. Granai ; puis à l’Université de Tunis, au sein de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. C’est dans cette « Faculté du 9 avril » qu’il enseigne pendant de longues années et forme des « générations » de sociologues tunisiens. Il y fonde et dirige, en tant que rédacteur en chef, Les Cahiers de Tunisie, où il contribue par de nombreux articles et notes de lectures.
En 1977, il quitte « à contre-cœur », semble t-il, la Tunisie pour aller enseigner, en tant que maître-assistant, à l’université de Lille. Son pays natal restera toutefois son objet d’étude, le ferment de sa production intellectuelle à venir et, depuis sa jeunesse militante, son port d’attache affectif (5).
Par la suite, le long de sa « retraite » qui commence autour de 1990 et où il est nommé « maître assistant honoraire » – c’est sous ce titre qu’il publie son article dans l’ouvrage portant sur les itinéraires de France en Tunisie, édité par la Bibliothèque municipale de Marseille -, il se consacre entièrement à l’établissement de textes et à la publication de livres, pour la quasi-totalité, édités chez L’Harmattan, dans la collection « Histoire et Perspectives Méditerranéennes » dirigée par J-P. Chagnollaud.

Unité et diversité de l’oeuvre

La question qui mérite réflexion aujourd’hui, après le décès de Paul Sebag, ce pionnier de la sociologie tunisienne (6) qui a beaucoup enrichi le champ des études historiques, est la suivante : comment lire l’œuvre du « maître » et découvrir la problématique qui l’a fondée durant toute une vie d’homme dédiée à la recherche ?
Il me semble personnellement que l’œuvre de Paul Sebag est traversée par trois moments de connaissance correspondant à trois champs de recherche qui sont tour à tour : l’urbain, les relations de voyage et l’histoire des juifs tunisiens. Ces trois moments sont à la fois successifs et simultanés dans l’itinéraire du sociologue et historien de la Tunisie.
Quant à la problématique, sous-jacente et jamais exprimée par l’auteur en raison de sa modestie et de sa méfiance envers toute théorisation, elle réside dans le souci d’étudier, par le menu détail ethnographique et par le biais d’un regard sociologique et historique, comment un « indigène » – qu’il soit musulman ou israélite comme lui – rencontre et vit le choc de la modernité induit par la colonisation au XIXe siècle et annoncé par les Temps nouveaux à partir du XVIe siècle.
C’est donc l’idée du choc entre « le pot de fer » et « le pot de terre » qui structure les principaux écrits de Paul Sebag. Plus concrètement, le maître-sociologue était habité, dans le sens plein du terme, par le phénomène socio-historique de la sortie du juif du quartier de la Hara et de la sortie du musulman de la Houma avec toutes les conséquences de cette transplantation spatiale et sociale qui se traduit par des mutations dans les mœurs, les comportements individuels et collectifs, les apparences et les médiations symboliques (vêtements, langues, dialectes et autres manières d’être et de faire).
Rien ne traduit mieux cette problématique inscrite dans le vécu des acteurs de l’époque que la préface qu’il rédige pour le livre illustré de l’artiste-peintre Zoubeir Turki, dans laquelle Sebag inaugure le propos en notant que :
« Tunis change. On abat ses murs d’enceinte, hérités de siècles lointains, on rase ses quartiers de masures insalubres, on transforme en jardins publics ses vieux cimetières, peuplés de morts qu’on ne pleurait plus. Mais la fièvre moderniste, qui bouleverse le corps de la cité, en affecte l’âme, aussi profondément. Irrévérencieusement, on passe au crible les us et coutumes des ancêtres pour faire le départ entre le respectable et le périmé et, sous les coups de la nouvelle génération, s’écroulent chaque jour de larges pans de tradition. Que restera-t-il dans quelques années de cette manière de vivre à laquelle les Tunisois étaient restés jusqu’ici fidèles ? Comment le dire ? On sait seulement qu’une accumulation de mutations inévitables finira par donner à la vie quotidienne un autre visage. »
Le déchiffrement de cet « autre visage » ou de cet « autre monde » est mené dans une perspective de la « longue durée », pour reprendre une notion chère à F. Braudel, l’auteur du célèbre ouvrage portant sur La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, auquel Sebag réfère (« Une lecture d’Othello », p. 42, note 13), tout en gardant une veine historique classique. La raison est certes liée au fait qu’il se pensait « sociologue de discipline et historien par goût » (Ibid., p. 33) mais aussi parce qu’il était, selon la pertinente formule orale du géographe Habib Attia, un véritable « chartiste » animé d’un esprit de précision et de connaissance savante.
L’œuvre de Sebag est basée à la fois sur une documentation fouillée et un sens critique de l’investigation scientifique de l’écrit. Le recueil des articles de l’historien Pierre Grandchamp et l’établissement des textes des voyageurs comme ceux de Bartholomeo Ruffino (7) ou de Nicolas Béranger témoignent d’un esprit de rigueur souvent associé à une méthode historique basée sur la contre-enquête. En effet, dans ses travaux, Sebag commence presque toujours par citer et critiquer les thèses des auteurs qui l’ont précédés et qui se sont contentés de reprendre des interprétations antérieures voire des idées reçues et dont les contributions ont été parfois accueillies dans des ouvrages de référence comme les dictionnaires. Tel a été le cas de « Mille et Un jours » attribué à A. R. Lesage alors qu’il est, comme s’est appliqué à le montrer Sebag, l’œuvre de l’orientaliste et écrivain Pétis de La Croix. A propos de ce dernier, Sebag rédige, à la fin des années 1970, une note de mise au point pour dissiper la confusion due à une homonymie, entre le dit orientaliste et un autre du nom du Sieur de la Croix.
Pour les mêmes raisons, Sebag s’intéressait aux manuscrits et aux ouvrages inconnus qu’il recherchait chez les bouquinistes et à la bibliothèque nationale de Paris. C’est ainsi qu’il découvrit la chronique inachevée et posthume de l’ambassadeur français auprès de la Sublime Porte, G. De Guilleragues, portant sur les beys mouradites, d’autant plus qu’elle ne figurait pas dans les bibliographies historiques de la Tunisie proposées par Charles-André Julien dans son « Histoire de l’Afrique du Nord » ou par Jean Pignon dans sa contribution au livre collectif intitulé « Initiation à la Tunisie ». Vu la rareté de l’ouvrage de Garrigues, Sebag s’est décidé à le transcrire intégralement de sa plume, en s’efforçant d’identifier les noms des lieux et des personnes et à dater exactement les événements de cette précieuse chronique ayant à la fois une valeur documentaire et littéraire.
Sebag avait une veine d’écrivain qu’exprime à merveille son article succulent sur Othello ainsi que l’ensemble de ses présentations et notes de commentaire consacrées aux récits des voyageurs. Il avait également une vocation de collectionneur comme en témoignent les cartes, estampes et autres précieuses illustrations de ses livres (Cf. en particulier, Tunis. Histoire d’une ville ; Histoire des Juifs de Tunisie ; Tunis au XVIIe siècle…). Cette quête d’une documentation visuelle témoigne d’un souci de pédagogue qui montre et illustre pour mieux expliquer son propos ainsi que d’une empathie avec l’objet et les acteurs de l’histoire des deux côtés de la Méditerranée.

La ville et l’urbain

Dans l’itinéraire de recherche de Sebag, on décèlera un premier moment qui démarre avec une série d’enquêtes sur la ville et l’urbain, initiés au lendemain de l’indépendance de la Tunisie (1956). Déjà, à la veille de cette date historique, l’intérêt du sociologue s’oriente vers l’étude de la condition des salariés de la région de Tunis (1955), sur la base d’un sondage empirique par questionnaire destiné à évaluer les ressources, la structure des budgets, les dépenses consacrées à l’habitat, à l’alimentation, à l’habillement, à la santé, à la culture et aux loisirs. La synthèse des résultats est illustrée par un éventail de conditions économiques et sociales allant, chez les Tunisiens musulmans, de l’aisance relative (9,3%) à la détresse (24,6%), en passant par la gêne (16,9%), la précarité (20%) et la misère (29,2%).
L’étude de la condition ouvrière est relayée, quelques années plus tard, par l’enquête sur les milieux sociaux et les « attitudes à l’égard de la vie » – terme qui recouvre ce qu’on désignera, peu de temps après, par le « planning familial » – qui permet justement de sonder les attitudes natalistes et de découvrir que les trois quarts des familles qui ont 3 enfants auraient été réceptives à la contraception. C’est là une découverte de taille dans la mesure où le programme de la planification familiale allait être lancé et connaître une destinée qui transformera, comme on le sait aujourd’hui, la pyramide des âges et le modèle de la famille ainsi que le statut de la femme tunisienne.
En relation avec ces premières études sociologiques de type empirique, c’est la consommation des ménages, l’industrialisation du Grand Tunis et surtout l’extension des faubourgs de Borgel (1958), Sidi Fathallah (1960) et Saïda Manoubia (1960) qui sont l’objet d’investigations minutieuses. « Saïda » étant l’un des plus étendus des nouveaux faubourgs tunisois – le troisième en ordre de grandeur après Jebel Lahmar et Mellassine -, Sebag lui consacre un livre en entier qui résulte d’une enquête sociale approfondie doublée d’une enquête nutritionnelle et médicale entreprise par les Dr Ben Salem, Dr Claudian et Melle Taïeb.
L’enquête sociale se donne pour finalité la maîtrise des facteurs de la croissance et de la pauvreté urbaines par les pouvoirs publics. Elle permet également d’analyser les origines et les structures de la population du faubourg. Aussi, met-elle en valeur l’importance de la famille conjugale à laquelle s’ajoute souvent un membre très proche (père, mère, frère ou sœur de l’époux ou de l’épouse), sans que la famille indivise disparaisse. De même, elle attire l’attention sur le début de la prévalence du mariage exogame (53,4%), en dépit de la persistance du mariage dans la tribu ou dans la famille (26,6%).
Les enquêtes menées par Sebag dans les nouveaux faubourgs mettent en lumière les facteurs et les modalités de la croissance urbaine. À cette époque, la ville de Tunis connaît une augmentation considérable de sa population qui a presque doublé en vingt ans puisqu’elle est passée de 220 000 en 1936 à 410 000 en 1956. Cette croissance vertigineuse n’était pas due seulement au facteur démographique mais résultait de l’afflux vers Tunis de masses rurales chassées des campagnes par la misère. Ces nouveaux venus ont surpeuplé non seulement la Médina et ses anciens faubourgs (Bab Souika et Bab Jédid) mais également les nouveaux quartiers qui se sont constitués autour de la ville. Ces quartiers pauvres formaient la ceinture « rouge » de Tunis et abritaient des logements rudimentaires appelés « gourbis » qui coexistaient avec quelques maisons en dur fort humbles. C’est là, dans les nouveaux faubourgs, que se jouaient effectivement les transformations de la condition ouvrière et de la morphologie urbaine.
Adoptant une méthodologie serrée, combinant plusieurs techniques d’enquête, le sociologue Sebag – formé sur le terrain – étudie avec une grande précision, les formes de l’habitat, les origines et les structures de la population, les niveaux de vie en relation avec le travail et l’emploi, la vie familiale et la différenciation sociale ainsi que l’intégration à la vie citadine de ces masses d’origine rurale. Tout est passé au peigne fin et tous les types de documents analytiques (tableaux statistiques, cartes, plans, vues aériennes, archives de la police, questionnaires, interviews, observations) sont savamment utilisés.
Par là, Sebag fonde la sociologie tunisienne de la ville et de l’espace urbain qu’il ne cessera de développer le long de sa carrière de recherche, notamment avec sa magistrale monographie de La Hara (1959), sa remarquable investigation de La Grande mosquée de Kairouan (1963) et sa monumentale Histoire de la ville de Tunis (1998). Ce dernier ouvrage, composé de près de 700 pages était, à l’état de manuscrit, destiné dès le début des années 1970 à être une thèse de doctorat d’Etat en géographie qu’il n’a jamais, en chercheur très exigeant, voulue soutenir mais qu’il a enfin publiée, en la transformant en une histoire urbaine avec une structure différente. Il s’agit d’un travail colossal qui a nécessité pas moins d’un demi-siècle de collecte de documents, de mise à jour à la lumière des travaux les plus récents, de réflexion et de rédaction. Il a été enfin édité à la satisfaction de nombreux chercheurs, enseignants, praticiens, décideurs et habitants de Tunis qui attendaient de le lire et de mieux se connaître. Depuis sa parution, c’est une référence incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la ville de Tunis et aux cités de la Méditerranée. Le lecteur est guidé pas à pas grâce à une grille de lecture simple où, pour chaque période historique, depuis la fondation de Tunis dans le Haut Moyen Age jusqu’au milieu des années 1970, l’auteur établit une radioscopie basée sur la trilogie de la population, de la morphologie et des activités urbaines.
En réalité, l’intérêt pour l’urbain découle d’une vocation de géographe – son véritable métier, s’il fallait en avoir un et un seul – toujours attentif aux conditions naturelles et climatiques ainsi qu’aux facteurs humains, tout en ayant une curiosité et une capacité de lecture des plans, cartes, estampes et autres photographies de l’agglomération urbaine étudiée. C’est là une démarche originale qui lie l’histoire sociale à l’étude de l’espace urbain, investi et reconstruit.

Récits de voyage

Parallèlement à la ville et à l’urbain, P. Sebag accorde une attention particulière aux récits des voyageurs ayant visité Tunis, du XVIIe au XIXe siècle. C’est là le second moment et champ de recherche révélant en lui l’historien qui fréquente, « par goût » plus que « par métier », les textes et les manuscrits. Cette vocation et passion pour les textes anciens commence avec la découverte inopinée, dans la boîte d’un bouquiniste, sur les quais de la Seine, de l’opuscule de Davis Nathan consacré à Tunis. Chapelain anglican dont Flaubert fut, lors de son voyage, l’hôte dans sa maison de la Marsa, Davis publia en 1841 une brève esquisse de l’état du Royaume au temps d’Ahmed Bey (1837-1855). Jugeant les pages consacrées à la ville de Tunis essentielles et d’autant plus intéressantes qu’elles étaient introuvables dans la Bibliothèque du Souk el-Attarine, Sebag les traduit et les publie en 1958, en les accompagnant de notes pour éclairer des pans entiers de l’histoire et de la vie quotidienne de ses habitants.
À la description des rues, des immeubles et des mosquées s’ajoute une ethnographie vivante des mœurs, des croyances et des pratiques superstitieuses des différentes communautés (musulmane, israélite et chrétienne – catholique, orthodoxe et protestante).
Une année plus tard, en 1959, Sebag renoue avec ce genre littéraire, en présentant un tableau descriptif des Juifs de Tunisie, d’après le voyageur juif roumain Benjamin II. C’est, encore une fois, de la langue anglaise qu’il traduit un chapitre de ce livre qui lui a été signalé par son ami Robert Attal et qui porte sur Tunis. Publié en 1859, le récit de Benjamin II était resté inconnu de tous ceux qui avaient étudié la Tunisie du XIXe siècle. La valeur de ce récit de voyage provient aussi, comme le signale d’emblée Sebag, de la capacité du voyageur-écrivain à pénétrer dans les communautés juives de Tunis, en alliant sympathie et objectivité pour l’objet étudié. Une telle compétence lui permet de brosser un tableau moral de cette minorité religieuse et de fournir de précieuses informations sur la place des juifs dans les activités économiques, y compris l’agriculture puisque des fellahs juifs exerçaient à Jerba, à Gabès, dans le Jérid et à Nabeul. Ces chefs-lieux sont décrits minutieusement de même que des villes comme Tunis, Sousse, El-Jem, Bizerte, sont également l’objet de notes qui s’attardent sur les Juifs ainsi que sur les comportements et les croyances magiques des femmes.
Plus tard, au cours des années 1980, Sebag continue de rendre compte d’autres récits de voyageurs ayant visité la régence de Tunis au XVIIe sècle, à l’instar de l’escale faite par Jean Thévenot, de la négociation de Laurent d’Arvieux et de la mission du Père de la Motte. Nous savons que le XVIIe siècle constitue une période à la fois cruciale et inconnue de l’histoire de la Tunisie. C’est pour cette raison que Sebag s’y intéresse et lui consacre un de ses meilleurs ouvrages, publié en 1989, où il met en œuvre les sources les plus variées pour offrir un tableau des plus complets de Tunis, cette « cité barbaresque au temps de la course ». Tout y est décrit : le pouvoir dynastique et ses puissances, les quartiers et la population, la course, l’esclavage, les activités économiques, les commodités civiles de la maison et de la cité, la religion, les lettres et les arts. Grâce à ce livre d’histoire urbaine (8), le lecteur se promène dans le Tunis du XVIIe siècle comme s’il y vivait. Paul Sebag se révèle ainsi un véritable cinéaste de l’écriture historique. Tout en étant didactique et très simple, celle-ci demeure érudite et passionnante. Nous touchons là au style même de notre sociologue et historien marqué par un mariage heureux, au niveau de la méthode, entre connaissance approfondie, synthèse et vulgarisation.
Il importe d’ajouter, au niveau de ce second champ de recherche, que la passion pour les relations de voyage s’est accompagnée d’un intérêt pour les chroniques comme celle, inachevée et posthume, de Guilleragues ainsi que celle de Béranger qui ont, toutes les deux, constitué des sources d’information fort utiles pour les chercheurs et historiens de la Tunisie.

Histoire des Juifs
Enfin, le troisième champ de recherche qui recoupe en chevauchant les deux champs de recherches précédents est celui relatif à l’histoire des Juifs de Tunisie. Ce moment de la connaissance, d’inspiration identitaire inavouée, est de facture documentaire indéniable. Il a été, pour Sebag, l’occasion de s’imposer comme une « autorité incontestée de l’histoire du judaïsme tunisien ».
En réalité, l’intérêt pour l’histoire des Juifs tunisiens n’a pas du tout été tardif puisqu’il remonte à l’enquête sur la Hara de Tunis effectuée entre juillet 1956 et mars 1957. En choisissant d’analyser l’évolution de ce quartier juif situé au cœur du « vieux Tunis », Sebag s’est attelé à en retracer l’historique et à décrire sa population ainsi que les niveaux de vie et la configuration de la religion et des croyances de la communauté qui y réside.
Parmi les apports de Sebag dans cette étude élaborée au moment où s’est posée, avec la construction du nouvel Etat tunisien, la question de l’identité nationale (exclusive), il y a d’abord l’aspect de la composition de la population de ce quartier pauvre qui s’est avérée ne pas être exclusivement juive puisque les israélites tunisiens ne constituaient que 70,52% alors que les musulmans tunisiens étaient de l’ordre de 7,78% ; le reste étant formé de français (12,41%), d’étrangers européens (7,78%) et autres.
En plus, la distribution dans l’espace permet de montrer, carte à l’appui, que la présence des israélites varie entre 0% et 75% au sein de telle ou telle partie de la Hara. Enfin, si les Juifs jouaient dans l’entre-deux-guerres un rôle politique, l’indépendance nationale les avait contraint à jouer uniquement un rôle religieux et social. À ce titre, Sebag ne manqua pas d’attirer l’attention sur l’isolement de la population juive qui se trouvait brusquement séparée du reste de la Nation et c’est pour cela qu’il recommanda la création d’un Consistoire juif – formule laïque, doit-on préciser – destiné à représenter et à intégrer la communauté.
Lors d’un colloque organisé, en 1967, par le Centre d’Etudes Economiques et Sociales (CERES), sur les mutations de la famille tunisienne, le directeur et sociologue Abdelwahab Bouhdiba demanda à Paul Sebag de brosser un tableau de la famille israélite au XXe siècle. Il en est ressorti un article fort intéressant sur les traits de la famille juive traditionnelle et sur ses transformations structurelles.
Qualifiée par Jacques Berque d’ « étude d’ethnologie historique », la contribution de Sebag permit de mettre en relief les similitudes et les différences existant entre la famille israélite et la famille musulmane en Tunisie. La famille juive s’est profondément transformée avec le passage de la famille traditionnelle à la famille conjugale et il s’est effectué un nouveau partage des rôles des sexes dans l’organisation domestique grâce, note Sebag, à la scolarisation dans les écoles françaises et à l’acceptation de l’« acculturation » par la majorité. Cette « acculturation » consistait en l’introduction d’une « langue de culture » avec toute les valeurs qu’elle véhiculait. Du coup, « la mutation culturelle a facilité la promotion économique et sociale de la minorité juive. Dès qu’elle a eu les moyens, elle a quitté les ghettos où elle avait jusque-là vécu groupée pour s’installer dans les villes neuves et se mêler aux colonies européennes. De celles-ci, elle a subi d’autant plus l’influence qu’elle parlait le français et avait accédé à une culture moderne, fût-elle élémentaire ».
Il est à signaler qu’il n’en a pas été de même pour les tunisiens de confession musulmane qui ont été scolarisés notamment dans les écoles franco-arabes, avec une très grande majorité masculine, tout en se réfugiant pour la plupart dans les traditions pour pouvoir résister à la colonisation. C’est là un des éléments cruciaux de la différence entre une minorité et une majorité de population dans une situation de domination économique, politique et culturelle.
Etudiant en sociologue les transformations des deux communautés, Sebag les compare alors à une sorte de bombe qui, pour la famille israélite, a explosé dès les premiers jours – le XIXe siècle, pour être précis – alors que, pour la famille musulmane, elle a été « une bombe à retardement ».
Au début des années 1990, Sebag réunit l’essentiel de ses connaissances historiques et ethnographiques sur les Juifs de Tunisie et les publie dans un livre riche et documenté qui brosse un tableau complet de la communauté, des origines à nos jours. Les aspects démographiques, économiques, sociaux, culturels et politiques sont traités dans une double approche historique et sociologique. L’on y apprend beaucoup sur la formation et l’évolution de cette minorité à travers les siècles. Sa structuration en deux communautés imbriquées et séparées – la mauresque (twânsa) et la livournaise (grâna) – au lendemain de la conquête ottomane est analysée de l’intérieur mais avec distanciation, de même que sont précisés les tournants historiques, les institutions ainsi que les langues et les écritures, les mœurs et les coutumes, les vêtements et les parures.
Au delà de l’analyse, à la fois globale et précise, ce livre de référence apporte également des éclairages importants sur deux phénomènes qui ont bouleversé la structure de l’antique communauté juive de Tunisie lors de la période contemporaine : l’occidentalisation durant le protectorat français et le départ massif vers la France et Israël au lendemain de l’indépendance nationale.
Au soir de sa vie, en 2002, Sebag ajoute à ce tableau historique une étude sur les noms des Juifs de Tunis où il étudie leurs origines et leurs significations. Comme à l’accoutumée, il signale les études précédentes qui ont traité du même objet, telle que celle de M. Eisenbeth (1936), en relevant les lacunes et les limites de cette contribution (9).
En conclusion de cette note d’hommage au disparu, nous retiendrons que l’œuvre de Paul Sebag s’organise autour de trois grands champs de recherche à partir du croisement de deux approches complémentaires, la sociologique et l’historique, dans un pays précis, la Tunisie, dont il a su démontrer la complexité humaine et la dynamique sociale.
Sociologue et historien, Paul Sebag a également développé une curiosité pour d’autres thèmes auxiliaires tels que les expéditions maritimes arabes, l’hôpital des Trinitaires espagnols, les monnaies, la course « barbaresque », voire les contes arabes et persans. C’est dire la diversité et la grande variété de sa carrière de chercheur reconnu, bien qu’isolé. Aussi, les nombreux travaux de Sebag pourraient-ils donner l’impression d’être des lambeaux d’un savoir éclaté alors qu’ils sont en réalité unis par une problématique commune élaborée autour de l’idée du choc de la modernité mais également de la singularité historique de la Tunisie. Dans un livre illustré sur la Tunisie (1961), Sebag écrit à ce titre : « Nous sommes sensibles à ce que chaque nation possède en propre; nous croyons reconnaître dans la personnalité tunisienne l’œuvre d’une destinée singulière, de Carthage à demain. ».
Cette même singularité a été analysée et mise en valeur par l’Ecole historique française de Tunisie – une véritable communauté scientifique locale – dont les illustres représentants étaient Charles Monchicourt, Pierre Grandchamp, Jean Pignon, Marcel Gandolphe, Jean Ganiage, Charles Saumagne, André Martel et l’ottomaniste R. Mantran…que Sebag a eu la fortune d’avoir pour « éclaireurs » et « compagnons de route ».
Il est à ajouter, enfin, que si les trois champs de recherche de Sebag (la ville, les récits de voyage et les Juifs de Tunisie) se sont succédés et parfois chevauchés le long de sa carrière, ce sont ses travaux sur la ville de Tunis qui ont été au cœur de ses investigations et de sa production scientifique.
Deux références, brèves mais consistantes, pourraient servir à illustrer cette orientation urbanistique éminemment féconde : un ancien article sur la ville européenne à Tunis au XVIe siècle et une récente notice de synthèse sur l’histoire urbaine de Tunis.
Dans l’article sur la ville européenne, Sebag apporte du nouveau sur la topographie de Tunis au XVIe siècle en reprenant, sur la base de documents inédits auxquels n’avait pas eu accès Ch. Monchicourt, la question de la localisation de la nova arx. Située entre les murs de la ville et le lac, cette nouvelle citadelle dont la construction commença en 1573 semble s’être déployée sur l’emplacement de la ville moderne de Tunis. Cette ville éphémère qui fut une première « ville européenne » dans le Tunis au XVIe siècle se serait située, selon l’évaluation de Sebag, entre l’actuelle avenue Mohamed V et la cathédrale de Tunis ; laquelle recouvrait le cimetière Saint-Antoine où se trouvait le lieu dit Bastion (bastioun).
Dans l’entrée « Tunis » rédigée pour l’Encyclopédie de l’Islam (Nouvelle édition, tome X, 2002, pp. 676-688), Sebag prolonge et enrichit l’apport du grand maître des études kairouanaises et tunisiennes qu’était Ch. Monchicourt, rédacteur de la première notice sur Tunis (Encyclopédie de l’Islam, 1934, Tome IV-I, pp. 881-888). Il approfondit les connaissances historiques en les réactualisant, étend l’analyse à la période de l’entre-deux-guerres et aux lendemains de l’indépendance nationale jusqu’aux tous récents développements et transformations de l’espace urbain. C’est tout un mouvement d’extension urbaine où « le centre-ville ne cesse de s’annexer les zones voisines et s’étend maintenant sur des terrains conquis sur le lac dont on a entrepris de reculer les rives ».
En fait, Paul Sebag reprend ici la note finale du livre monumental qu’il avait consacré à sa ville natale (10) et qu’il a eu l’élégance et la modestie de conclure par cette invitation :
« La nouvelle Tunis appelle déjà un autre livre, mais il reviendra à d’autres de l’écrire. Nous ne tenterons pas de conduire plus loin cette histoire d’une ville. »


(en 1994 au diner-débat de l’ALCT consacré à Paul Sebag, à l’occasion de la sortie de son livre « Tunis, histoire d’une ville » l’Harmattan. il est interrogé par Gérard Sebag (pas de parenté avec Paul), journaliste à France 2, Hélène Hayat secrétaire générale de l’ALCT).

Mohamed KERROU

Notes

(1) Je suis reconnaissant à Anne-Marie Planel, directeur adjoint de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), qui a lu une première version de la présente note et a émis des observations critiques qui ont été, pour la plupart, intégrées. Mes remerciements vont également à Maître Lionel Lévy, ancien ami du disparu, qui a eu l’amabilité de répondre, par écrit, aux questions que je lui ai adressées à propos de la vie et de l’itinéraire de Paul Sebag.

(2) « Ce travail n’était pas destiné par lui à la publication, mais l’ayant occasionnellement montré à un universitaire français, celui-ci lui fit observer qu’il serait regrettable qu’une étude de cette qualité soit perdue pour le public et pour les chercheurs » (Témoignage de M° L. Lévy).
Mme Lilia Ben Salem a eu la courtoisie de me signaler que les Editions sociales (Paris) avaient lancé, à l’époque, une série d’ouvrages sur le Maghreb et c’est ainsi que la monographie de la Tunisie de P. Sebag a été suivie d’un livre sur le Maroc (Ayache Germain, Le Maroc. Bilan d’une colonisation. Préface de Jean Dresh, 1956) et d’un livre sur l’Algérie (Lacoste Yves, Nouschi André ; Prenant André, L’Algérie. Passé et présent, 1960).
Ces trois livres ont été publiés au sein de la collection « La Culture et les Hommes ».

(3) « Le père de Paul, Victor Sebag qui était un avocat estimé, appartenait à une famille de la bourgeoisie juive tunisienne. Sa mère née Attal, également. Ils vivaient bien entendu dans la ville européenne, comme la bourgeoisie aisée. » (Témoignage de M° L. Lévy).

(4) « Une anecdote pour marquer le courage du jeune Paul Sebag devant le Tribunal militaire de Vichy. Son père ayant choisi comme avocat pour le défendre Me Tixier-Vignancourt, personnalité pétainiste alors en faveur à Tunis, ce dernier voulut mettre les faits reprochés sur le compte de la jeunesse et de la mauvaise influence subie. Paul Sebag déclara au Tribunal qu’il renonçait à se faire défendre par Me Tixier-Vignancourt et assumerait sa défense lui-même » (Témoignage de M° L. Lévy).

(5) « Paul Sebag aimait passionnément la Tunisie à laquelle il s’identifiait malgré sa culture franco-italienne. Ce sentiment était renforcé, je pense, par son sens de la justice qui lui faisait condamner le régime colonial, et sa sympathie pour le petit peuple, qu’il s’agisse de celui de la Médina, de la Hara ou de la petite Sicile. » (Témoignage de M° L. Lévy).

(6) Cf. notre article « Hommage à Paul Sebag, le pionnier de la sociologie en Tunisie », Réalités, n° 979, du 30/9 au 6/10/2004, pp. 40-41.

(7) « Paul s’est marié avec Diana Gallico, appartenant à la communauté des « Grana », fille d’un avocat de Tunis (…). Paul était italophone dès l’enfance (…). Il m’a expliqué comment, par la suite, le français a substitué l’italien sans qu’il oublie cette deuxième langue. J’ai observé qu’il avait néanmoins des notions d’arabe et même davantage » (Témoignage de M° L. Lévy).
A ces trois langues, il convient d’ajouter la langue de Shakespeare que P. Sebag maîtrisait parfaitement, comme l’atteste sa traduction de certains passages d’Othello et des récits de voyage de N. Davis et Benjamin II.

(8) Pour le compte rendu de ce livre, Cf. Boubakeur Sadok « Tunis au XVIIe siècle. Une cité barbaresque au temps de la course de Paul Sebag », Ibla, n° 167, 1991/1, pp. 117-123.

(9) Il est à signaler que le livre de Sebag sur les noms des Juifs tunisiens a été soumis à une recension critique d’une vingtaine de pages, de la part de M° Lionel Lévy qui, tout en exprimant son respect et admiration pour la probité intellectuelle de Sebag, a contesté les origines portugaises, italiennes et maghrébines de certains noms (Cf. www. harissa. com).

(10) Après la sortie de son livre sur Tunis. Histoire d’une ville (1998), Paul Sebag a été invité pour présenter, dans une librairie de la Marsa, son livre devant un public composé pour l’essentiel de ses anciens amis, élèves, étudiants et également nombre de jeunes qui sont venus l’écouter raconter l’histoire de leur ville.

Liste des publications de Paul Sebag
Livres

– La Tunisie. Essai de monographie, Paris, Editions Sociales, 1951.
– Enquête sur les salariés de la région de Tunis (en collaboration avec T. Benzina-Bencheikh, M. Lahmi, B. Lazar, J. Lévigne…), Paris, PUF (Publications de l’Institut des Hautes Etudes de Tunis, Mémoires du Centre des Sciences Humaines, Vol. III, fasc. 3), 1956.
– Le gourbiville de Saïda Manoubia. Etude préliminaire, Tunis, Centre d’Etudes Economiques, 1958.
– L’évolution d’un ghetto nord-africain. La Hara de Tunis (en collaboration avec R. Attal), Paris, PUF (Publications de l’Institut des Hautes Etudes de Tunis, Mémoires du Centre d’Etudes des Sciences Humaines, Vol. V), 1959.
– Un faubourg de Tunis : Saïda Manoubia. Enquête sociale par P. Sebag. Enquête nutritionnelle et médicale par Dr M. Ben Salem, Dr J. Claudin et Mme H. Taïeb, Paris, PUF (Publications de l’Université de Tunis, Mémoires du Centre des Sciences Humaines, Vol. VI), 1960.
– Tunisie. De Carthage à demain (en collaboration avec Cl. Roy). Photographies d’I. Morath, A. Martin ; M. Riboud, Paris, Delpire, 1961.
– La Grande mosquée de Kairouan. Texte de P. Sebag. Photographies d’A. Martin, Paris, Delpire, 1963.
– (Textes recueillis et collationnés par P. Sebag ; A. Martel) Pierre Grandchamp, Etudes d’histoire tunisienne XVIIe-XXe siècle, Paris, PUF (Publications de l’Université de Tunis, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines), 1966.
– Préface à Zoubeir Turki, Tunis naguère et aujourd’hui. Adaptation française de Cl. Roy, Tunis, Publications du secrétariat d’Etat à l’information et au tourisme, 1967.
– Les préconditions sociales de l’industrialisation dans la région de Tunis (en collaboration avec A. Bouhdiba ; C. Camilleri), Tunis, Cahiers du CERES, Série Sociologique n°1, 1968.
– Toute la Tunisie. Photographies d’A. Martin, Tunis, Cérès Productions, 1968 (Tr. anglaise par R. Maguire : Tunisia. Time past ans Time present, Tunis, Cérès Productions, 1968).
– Une relation inédite sur la prise de Tunis par les Turcs en 1574. Sopra la desolatione della Goletta e forte di Tunisie di Bartholomeo Ruffino. Introduction, texte et traduction annotée de P. Sebag, Tunis, Publications de l’Université de Tunis, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1971.
– Pétis de la Croix : Les Mille et Un jours. Contes persans, Paris, Christian Bourgois, 1980.
– Tunis au XVIIe siècle. Une cité barbaresque au temps de la course, Paris, L’Harmattan, 1989.
– Histoire des Juifs de Tunisie. Des origines à nos jours, Paris, L’Harmattan, 1991.
– (Ed) Nicolas Béranger, La Régence de Tunis à la fin du XVIIe siècle. Mémoire pour servir à l’histoire de Tunis depuis 1684. Introduction et notes de P. Sebag, Paris, L’Harmattan, 1993.
– Les Juifs de Tunisie. Images et textes (sous la coordination de J-P. Allali, A. Goldmann, P. Sebag). Préface d’A. Memmi, Paris, Biblieurope, 1997.
– Tunis : Histoire d’une ville, Paris, L’Harmattan, 1998.
– François Pétis de la Croix. Histoire du prince Calaf et de la princesse de la Chine, Paris, L’Harmattan, 2000.
– La course tunisienne au XVIIIe siècle, Tunis, Publications de l’Ibla, 2001.
– Communistes de Tunisie 1939-1943. Souvenirs et documents, Paris, L’Harmattan, 2001.
– Les noms des Juifs de Tunisie. Origines et significations, Paris, L’Harmattan, 2002.
– Une histoire des révolutions du Royaume de Tunis au XVIIe siècle. Une œuvre de Guilleragues ? Paris, L’Harmattan, 2004.

Articles

– « Les niveaux de vie et la consommation dans la délégation de la Marsa », Bulletin de Statistique et d’Etudes Economiques, n° 2, nouvelle série, avril-juin 1958, pp. 65-76.
– « Une description de Tunis au XIXe siècle [Nathan Davis] », Cahiers de Tunisie, n° 21-22, 1è et 2è trim. 1958, pp.161-181.
– « Le bidonville de Borgel », Cahiers de Tunisie, n° 23-24, 3è et 4è trim. 1958, pp. 267-309.
– « L’industrialisation de la Tunisie: une expérience pilote dans l’industrie de la chaussure », Cahiers de Tunisie, n° 25, 1è trim. 1959, pp. 147-173.
– « Les Juifs de Tunisie au XIXe siècle d’après J-J. Benjamin II », Cahiers de Tunisie, n° 28, 4è trim. 1959, pp. 489-510.
– « Le faubourg de Sidi Fathallah », Cahiers de Tunisie, n° 29-30, 1er et 2è trim.1960, pp. 75-136.
– « Les expéditions maritimes arabes du VIIIe siècle », Cahiers de Tunisie, n° 31, 3è trim. 1960, pp. 73-82.
– « Une ville européenne à Tunis au XVIe siècle », Cahiers de Tunisie, n° 33-34-35, 1è et 3è trim. 1961, pp. 97-107.
– « Milieux sociaux et attitudes à l’égard de la vie », Tunisie Médicale, n° 2, 1961, pp. 1-8.
– « Remarques sur l’histoire de la Grande mosquée de Kairouan » (en collaboration avec A. Lézine), Ibla, n° 99, 1962/3, pp. 244-256.
– « Cartes, plans et vues de Tunis et de la Goulette au XVIIe et au XVIIIe siècle » in Etudes Maghrébines. Mélanges Ch-A. Julien, Paris, PUF, 1964, pp. 89-101.
– « La peste dans la Régence de Tunis au XVIIe et XVIIIe siècle », Ibla, n° 109, 1965/1, pp. 35-48.
– « La famille israélite en Tunisie au XXe siècle », Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 11, octobre 1967, pp. 109-122.
– « La Goulette et sa forteresse de la fin du XVIe siècle à nos jours », Ibla, n° 117, 1967/1, pp. 13-34.
– « Les travaux maritimes de Hassan b. Nu’mân », Ibla, n° 125, 1970/1, pp. 41-56.
– « Une nouvelle de Bandello (XVIe siècle) : Moulay Hassan et Moulay Hamida », Ibla, n° 127, 1971/1, pp. 35-62.
– « Une lecture d’Othello. Le More de Venise et « la haine pour rien » », Ibla, n° 129, 1972/1, pp. 33-58.
– « Sur une chronique des beys mouradites. Une œuvre posthume de Guilleragues? », Ibla, n° 131, 1973/1, pp. 53-78.
– « Grands travaux à Tunis à la fin du XVIIIe siècle », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 15-16, 1973, pp. 313-321.
– « Sur une chronique des beys mouradites. II : Guilleragues et De la Croix », Ibla, n° 139, 1977/1, pp. 3-51.
– « Voyages en Tunisie au XVIIe siècle. L’escale de Jean Thévenot (9-30 mars 1659) », Ibla, n° 145, 1980/1, pp. 47-78.
– « Sur deux orientalistes français du XVIIe siècle. F. Pétis de la Croix et le Sieur de la Croix », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 25, 1978, pp. 89-118.
– « La négociation de Laurent d’Arvieux (12 juin 1666 – 15 août 1666). Voyages en Tunisie au XVIIè siècle », Ibla, n° 147, 1981/1, pp. 71-94 et n° 148, 1981/2, pp. 253-286.
– « Voyage en Tunisie au XVIIe siècle. La mission du Père de la Motte (2 juin-26 juin 1700) », Ibla, n°165, 1990/1, pp. 3-37 et n° 166, 1990/2, pp. 219-236.
– « Les monnaies tunisiennes au XVIIe siècle », Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée, n°55-56, 1990, pp. 203-218.
– « L’hôpital des Trinitaires espagnols à Tunis (1720-1818) », Ibla, n° 174, 1994/2, pp. 203-218.
– « La Régence de Tunis et la France au XVIIe siècle » in Itinéraires de France en Tunisie du XVIe au XIXe siècle, Marseille, Bibliothèque Municipale, 1995, pp. 23-29.
– « Tunis », Encyclopédie de l’Islam, Nouvelle Edition, 2002, pp. 676-688 (Edition anglaise, pp. 629-639).
– « Aux origines de l’Orient romanesque. Quel est l’auteur des Mille et Un jours? », Ibla, n° 193, 2004/1, pp. 31-60. Voici, en hommage à Paul Sebag – professeur de français au lycée Carnot – un article publié, à Tunis, dans le dernier numéro de la revue Ibla (Institut des Belles Lettres Arabes) par Mohamed Kerrou, Maître de conférences à l’Université de Tunis.