LE VENT DES MARCHES DE Charles LANCAR

Paris, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Les halles, qui abritent les marchés, sont la scène où se côtoient anciens combattants et résistants, collabo repentis, marchands de toujours, syndicalistes et étudiants, voire même certains jours les dames des beaux quartiers.
On y suit la vieille Adélaïde, surnommée la Lionne des marchés pour son engagement de toujours dans la défense du métier. Son fils Antoine, ancien poilu respecté de tous, a repris son étal mais aussi son combat, devenant à son tour chef du syndicat des marchands. Au contraire, son second fils, Adrien, a définitivement quitté les halles pour devenir avocat, puis s’engager en politique, en prenant soin de faire oublier ses compromissions dans le régime de Vichy. Cédric, jeune lycéen à la recherche de la vérité sur la mort de sa mère, se chargera de les lui rappeler.
Au fil de leurs rencontres se dessine peu à peu un tragique secret de famille. Cette saga familiale attachante est aussi l’occasion pour Charles Lancar de faire revivre le Paris d’après-guerre qui entre dans la modernité. Un Paris festif malgré les rationnements et les règlements de compte, croqué avec une plume alerte et parsemé de tableaux authentiques.

Né à Tunis en 1943, Charles Lancar est écrivain et vendeur sur les marchés parisiens, un terreau dont il s’inspire pour offrir aux lecteurs des romans à la fougue et l’imagination dignes des grands feuilletonistes du XIXe siècle. Charles Lancar est l’auteur de nombreux livres dont Les Racines du figuier (Plon 1997), et Café crème (Ramsay, 2005). Il a déjà brossé la vie des marchands parisiens dans plusieurs romans dont Antoine paru chez Belfond en 1998.
Dans le Paris des années d’après-guerre, le chassé-croisé des membres d’une famille de marchands, au fil des amours et des conflits politiques qui les déchirent ou les réunissent.
Charles Lancar (lc 1956/6eme) nous entraîne dans une saga familiale qui brosse une vaste fresque. Belfond 2010

AU 18ème SALON DE LA REVUE !

les poètes de la revue Ricochets-Poésie donneront lecture de leurs poèmes à la salle André Gorz de l’espace des Blancs Manteaux (48 rue Vieille-du-Temple, Paris 4e).

L’équipe de la revue sera présente au salon de la revue (espace des Blancs Manteaux) tout le week-end :
– le vendredi 10 en nocturne de 21h à 23h
– le samedi 11 de 10h à 20h
– le dimanche 12 de 10h à 19h30

Entrée libre au salon et à la lecture.Maha BEN ABDELADHIM, une des lauréates du prix du lycée Carnot en 1998, nous informe que vendredi 10 octobre à 21h, dans le cadre du Salon de la Revue,

On prend le TGM ?


Appuyée sur sa canne, Meherzia, 78 ans, redresse le dos et lance un « Ah ! » nostalgique en se remémorant les temps où elle prenait ce même train avec sa famille ou ses amies. « On n’était jamais bousculé et on avait du respect pour les personnes âgées », se lamente-t-elle accrochée au bras de son petit-fils pour son ènième voyage à bord du TGM.
Un parasol sous le bras, l’autre enlaçant sa copine, Karim, 18 ans, s’impatiente au guichet à l’idée de commencer au plus vite une journée à la plage « il est toujours trop surchargé. Nous le prenons à défaut de faire comme les jeunes de la Jet Set qui vont à la plage en voiture », lance Karim, jouant des coudes dans la foule d’estivants : des familles entières avec couffins remplis de provisions, matériel de plage, jouets et enfants de tout âge. Mais ni lui, ni Narjess, 16 ans, ne savent que le train, qu’ils prennent pour une journée de plaisir loin de la chaleur de Tunis, est plus que centenaire.

Le premier train a été inauguré par son Altesse Mohamed Sadok Bey le 31 août 1872. La dynastie de l’époque affaiblie se payait ainsi « un caprice » sous la pression des puissances coloniales qui se disputaient la Tunisie quelques années avant l’instauration du Protectorat de la France (1881-1956). Français, Italiens,Anglais… étaient sur les rangs pour sa construction et ce sont les Anglais qui l’emportèrent.
C’est le TGM qui fut à l’origine de l’extension de Tunis vers le nord, créant ainsi ce qu’est devenue ensuite, en front de mer, la banlieue la plus prisée et la plus pittoresque.
Immortalisé par « Un été à la Goulette » du cinéaste Férid Boughdir, figurant dans tous les guides, le TGM – qui musarde sur près de vingt kms – apparaît comme une figure incontournable de la littérature judéo-francophone et les récits de voyages d’illustres écrivains de la fin du 19e et 20e siècle.

Du « train blanc » de l’époque, le service commercial de la société Métro Léger de Tunis, qui gère la ligne actuellement, ne conserve plus qu’un spécimen des voitures originales promis à un musée en gestation.
Auto oblige, le TGM a perdu un peu de ses clients (17 millions en 2003, 19,7 millions en 1998) mais son image reste liée à la recherche du plaisir, du rêve et du dépaysement.

On peut encore prendre le TGM en été pour aller à la plage, aux concerts nocturnes à l’amphithéâtre de Carthage, dîner à la Goulette, déguster une glace à La Marsa, fumer un narguilé sur les terrasses de cafés du pittoresque Sidi-Bou-said, offrant la vue la plus saisissante de la baie de Tunis.
Comme autrefois, quand les familles juives, italiennes ou musulmanes aisées fuyaient la canicule de la ville pour s’installer l’été à La Goulette…

En souvenir du charme d’antan, certains reviennent de loin pour le train de leur enfance ou de leurs parents : « Ils montent juste pour humer l’odeur ou simplement rêvasser devant les bateaux en rade du port de La Goulette », raconte Mondher, contrôleur du train.

Pour Imed, 34 ans, chef de service de la ligne, « le mythe du TGM n’existe plus que dans les livres. Avec l’urbanisation et la voiture, ceux qui le prennent sont démunis et n’ont aucune idée de son histoire centenaire ».
D’après Aâm El Mouldi (site tounes)
Entre Tunis, La Goulette et La Marsa, circule Le toujours fameux « TGM » (Tunis-Goulette-Marsa). Ce train permettant aux Tunisois de fuir la canicule, pour aller sur les plages de la banlieue nord, fut le premier moyen de transport collectif à voir le jour dans une cité africaine, il y a 133 ans.

Paul SEBAG

(en 1956, professeur de français au lycée Carnot)
In Memoriam
Paul SEBAG
26 septembre 1919 – 5 septembre 2004

Décédé à l’âge de 85 ans à Paris où il a passé une seconde moitié de vie très féconde sur le plan de la production scientifique (1), Paul Sebag laisse une œuvre riche et variée : une vingtaine de livres et une trentaine d’articles académiques.
C’est dans la revue Ibla qu’il publie, en 2004, son dernier article consacré aux origines de l’Orient romanesque, de même qu’il a abordé auparavant, au sein du même périodique, d’autres sujets relatifs à l’histoire de la Régence de Tunis (voir infra, la liste détaillée de ses publications).
Originaire de Tunis où il est né deux ans après la fin de la première guerre mondiale, P. Sebag qui a commencé sa carrière professionnelle en tant que professeur de philosophie au Lycée Carnot publie, en 1951, son essai de monographie de la Tunisie (2). Ce livre est vite devenu une référence en raison de sa précision analytique et de son approche globale, embrassant aussi bien les conditions naturelles que les grands évènements historiques, l’assise économique, l’enseignement, la culture ainsi que la structure politique.
Ce qui frappe le plus dans cet ouvrage de synthèse, c’est l’abondance de la documentation, la rigueur de l’argumentation matérialiste ainsi que la distanciation qui n’exclut point l’engagement – exprimé dans le dernier paragraphe du livre – pour la lutte de libération du peuple tunisien.
Cette position n’est point étrange au jeune Sebag qui adhère, malgré ses origines bourgeoises (3), au parti communiste tunisien (PCT), dès 1936. Lors de l’occupation allemande de la Tunisie, il est arrêté, torturé et condamné (4) aux travaux forcés à perpétuité avant d’être libéré. Il consigne alors ses souvenirs mais ne les publie, documents à l’appui, que soixante ans plus tard, dans un opuscule consacré à cette tranche militante de sa vie de jeunesse.
L’intérêt d’un tel écrit consiste évidemment dans le témoignage de l’acteur et dans la critique des historiens du parti communiste tunisien qui ne pouvaient cerner cette période, vu le manque d’archives, de journaux et d’entretiens avec les témoins de l’époque. Même s’il s’agit d’un récit à la première personne, l’auteur réussit le pari de rapporter les faits d’une manière objective. Ce n’est donc pas un ouvrage de partisan mais plutôt, selon les dires de l’auteur, un « devoir de mémoire » entrepris avec le recul du temps.
Ayant cessé d’être membre du PCT et ayant pris ses distances avec le mouvement communiste international sans toutefois se renier (« ne pas rougir d’avoir alors partagé cette illusion » écrit-il), il consacre sa vie ultérieure à la recherche et au savoir et s’impose, dans le champ académique, par son esprit de méthode et par sa vaste érudition.
Ses premiers pas de chercheur, il les accomplit en tant que chargé de recherches à l’Institut des Hautes Etudes, dans le Centre d’Etudes de Sciences Humaines dirigé par G. Granai ; puis à l’Université de Tunis, au sein de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. C’est dans cette « Faculté du 9 avril » qu’il enseigne pendant de longues années et forme des « générations » de sociologues tunisiens. Il y fonde et dirige, en tant que rédacteur en chef, Les Cahiers de Tunisie, où il contribue par de nombreux articles et notes de lectures.
En 1977, il quitte « à contre-cœur », semble t-il, la Tunisie pour aller enseigner, en tant que maître-assistant, à l’université de Lille. Son pays natal restera toutefois son objet d’étude, le ferment de sa production intellectuelle à venir et, depuis sa jeunesse militante, son port d’attache affectif (5).
Par la suite, le long de sa « retraite » qui commence autour de 1990 et où il est nommé « maître assistant honoraire » – c’est sous ce titre qu’il publie son article dans l’ouvrage portant sur les itinéraires de France en Tunisie, édité par la Bibliothèque municipale de Marseille -, il se consacre entièrement à l’établissement de textes et à la publication de livres, pour la quasi-totalité, édités chez L’Harmattan, dans la collection « Histoire et Perspectives Méditerranéennes » dirigée par J-P. Chagnollaud.

Unité et diversité de l’oeuvre

La question qui mérite réflexion aujourd’hui, après le décès de Paul Sebag, ce pionnier de la sociologie tunisienne (6) qui a beaucoup enrichi le champ des études historiques, est la suivante : comment lire l’œuvre du « maître » et découvrir la problématique qui l’a fondée durant toute une vie d’homme dédiée à la recherche ?
Il me semble personnellement que l’œuvre de Paul Sebag est traversée par trois moments de connaissance correspondant à trois champs de recherche qui sont tour à tour : l’urbain, les relations de voyage et l’histoire des juifs tunisiens. Ces trois moments sont à la fois successifs et simultanés dans l’itinéraire du sociologue et historien de la Tunisie.
Quant à la problématique, sous-jacente et jamais exprimée par l’auteur en raison de sa modestie et de sa méfiance envers toute théorisation, elle réside dans le souci d’étudier, par le menu détail ethnographique et par le biais d’un regard sociologique et historique, comment un « indigène » – qu’il soit musulman ou israélite comme lui – rencontre et vit le choc de la modernité induit par la colonisation au XIXe siècle et annoncé par les Temps nouveaux à partir du XVIe siècle.
C’est donc l’idée du choc entre « le pot de fer » et « le pot de terre » qui structure les principaux écrits de Paul Sebag. Plus concrètement, le maître-sociologue était habité, dans le sens plein du terme, par le phénomène socio-historique de la sortie du juif du quartier de la Hara et de la sortie du musulman de la Houma avec toutes les conséquences de cette transplantation spatiale et sociale qui se traduit par des mutations dans les mœurs, les comportements individuels et collectifs, les apparences et les médiations symboliques (vêtements, langues, dialectes et autres manières d’être et de faire).
Rien ne traduit mieux cette problématique inscrite dans le vécu des acteurs de l’époque que la préface qu’il rédige pour le livre illustré de l’artiste-peintre Zoubeir Turki, dans laquelle Sebag inaugure le propos en notant que :
« Tunis change. On abat ses murs d’enceinte, hérités de siècles lointains, on rase ses quartiers de masures insalubres, on transforme en jardins publics ses vieux cimetières, peuplés de morts qu’on ne pleurait plus. Mais la fièvre moderniste, qui bouleverse le corps de la cité, en affecte l’âme, aussi profondément. Irrévérencieusement, on passe au crible les us et coutumes des ancêtres pour faire le départ entre le respectable et le périmé et, sous les coups de la nouvelle génération, s’écroulent chaque jour de larges pans de tradition. Que restera-t-il dans quelques années de cette manière de vivre à laquelle les Tunisois étaient restés jusqu’ici fidèles ? Comment le dire ? On sait seulement qu’une accumulation de mutations inévitables finira par donner à la vie quotidienne un autre visage. »
Le déchiffrement de cet « autre visage » ou de cet « autre monde » est mené dans une perspective de la « longue durée », pour reprendre une notion chère à F. Braudel, l’auteur du célèbre ouvrage portant sur La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, auquel Sebag réfère (« Une lecture d’Othello », p. 42, note 13), tout en gardant une veine historique classique. La raison est certes liée au fait qu’il se pensait « sociologue de discipline et historien par goût » (Ibid., p. 33) mais aussi parce qu’il était, selon la pertinente formule orale du géographe Habib Attia, un véritable « chartiste » animé d’un esprit de précision et de connaissance savante.
L’œuvre de Sebag est basée à la fois sur une documentation fouillée et un sens critique de l’investigation scientifique de l’écrit. Le recueil des articles de l’historien Pierre Grandchamp et l’établissement des textes des voyageurs comme ceux de Bartholomeo Ruffino (7) ou de Nicolas Béranger témoignent d’un esprit de rigueur souvent associé à une méthode historique basée sur la contre-enquête. En effet, dans ses travaux, Sebag commence presque toujours par citer et critiquer les thèses des auteurs qui l’ont précédés et qui se sont contentés de reprendre des interprétations antérieures voire des idées reçues et dont les contributions ont été parfois accueillies dans des ouvrages de référence comme les dictionnaires. Tel a été le cas de « Mille et Un jours » attribué à A. R. Lesage alors qu’il est, comme s’est appliqué à le montrer Sebag, l’œuvre de l’orientaliste et écrivain Pétis de La Croix. A propos de ce dernier, Sebag rédige, à la fin des années 1970, une note de mise au point pour dissiper la confusion due à une homonymie, entre le dit orientaliste et un autre du nom du Sieur de la Croix.
Pour les mêmes raisons, Sebag s’intéressait aux manuscrits et aux ouvrages inconnus qu’il recherchait chez les bouquinistes et à la bibliothèque nationale de Paris. C’est ainsi qu’il découvrit la chronique inachevée et posthume de l’ambassadeur français auprès de la Sublime Porte, G. De Guilleragues, portant sur les beys mouradites, d’autant plus qu’elle ne figurait pas dans les bibliographies historiques de la Tunisie proposées par Charles-André Julien dans son « Histoire de l’Afrique du Nord » ou par Jean Pignon dans sa contribution au livre collectif intitulé « Initiation à la Tunisie ». Vu la rareté de l’ouvrage de Garrigues, Sebag s’est décidé à le transcrire intégralement de sa plume, en s’efforçant d’identifier les noms des lieux et des personnes et à dater exactement les événements de cette précieuse chronique ayant à la fois une valeur documentaire et littéraire.
Sebag avait une veine d’écrivain qu’exprime à merveille son article succulent sur Othello ainsi que l’ensemble de ses présentations et notes de commentaire consacrées aux récits des voyageurs. Il avait également une vocation de collectionneur comme en témoignent les cartes, estampes et autres précieuses illustrations de ses livres (Cf. en particulier, Tunis. Histoire d’une ville ; Histoire des Juifs de Tunisie ; Tunis au XVIIe siècle…). Cette quête d’une documentation visuelle témoigne d’un souci de pédagogue qui montre et illustre pour mieux expliquer son propos ainsi que d’une empathie avec l’objet et les acteurs de l’histoire des deux côtés de la Méditerranée.

La ville et l’urbain

Dans l’itinéraire de recherche de Sebag, on décèlera un premier moment qui démarre avec une série d’enquêtes sur la ville et l’urbain, initiés au lendemain de l’indépendance de la Tunisie (1956). Déjà, à la veille de cette date historique, l’intérêt du sociologue s’oriente vers l’étude de la condition des salariés de la région de Tunis (1955), sur la base d’un sondage empirique par questionnaire destiné à évaluer les ressources, la structure des budgets, les dépenses consacrées à l’habitat, à l’alimentation, à l’habillement, à la santé, à la culture et aux loisirs. La synthèse des résultats est illustrée par un éventail de conditions économiques et sociales allant, chez les Tunisiens musulmans, de l’aisance relative (9,3%) à la détresse (24,6%), en passant par la gêne (16,9%), la précarité (20%) et la misère (29,2%).
L’étude de la condition ouvrière est relayée, quelques années plus tard, par l’enquête sur les milieux sociaux et les « attitudes à l’égard de la vie » – terme qui recouvre ce qu’on désignera, peu de temps après, par le « planning familial » – qui permet justement de sonder les attitudes natalistes et de découvrir que les trois quarts des familles qui ont 3 enfants auraient été réceptives à la contraception. C’est là une découverte de taille dans la mesure où le programme de la planification familiale allait être lancé et connaître une destinée qui transformera, comme on le sait aujourd’hui, la pyramide des âges et le modèle de la famille ainsi que le statut de la femme tunisienne.
En relation avec ces premières études sociologiques de type empirique, c’est la consommation des ménages, l’industrialisation du Grand Tunis et surtout l’extension des faubourgs de Borgel (1958), Sidi Fathallah (1960) et Saïda Manoubia (1960) qui sont l’objet d’investigations minutieuses. « Saïda » étant l’un des plus étendus des nouveaux faubourgs tunisois – le troisième en ordre de grandeur après Jebel Lahmar et Mellassine -, Sebag lui consacre un livre en entier qui résulte d’une enquête sociale approfondie doublée d’une enquête nutritionnelle et médicale entreprise par les Dr Ben Salem, Dr Claudian et Melle Taïeb.
L’enquête sociale se donne pour finalité la maîtrise des facteurs de la croissance et de la pauvreté urbaines par les pouvoirs publics. Elle permet également d’analyser les origines et les structures de la population du faubourg. Aussi, met-elle en valeur l’importance de la famille conjugale à laquelle s’ajoute souvent un membre très proche (père, mère, frère ou sœur de l’époux ou de l’épouse), sans que la famille indivise disparaisse. De même, elle attire l’attention sur le début de la prévalence du mariage exogame (53,4%), en dépit de la persistance du mariage dans la tribu ou dans la famille (26,6%).
Les enquêtes menées par Sebag dans les nouveaux faubourgs mettent en lumière les facteurs et les modalités de la croissance urbaine. À cette époque, la ville de Tunis connaît une augmentation considérable de sa population qui a presque doublé en vingt ans puisqu’elle est passée de 220 000 en 1936 à 410 000 en 1956. Cette croissance vertigineuse n’était pas due seulement au facteur démographique mais résultait de l’afflux vers Tunis de masses rurales chassées des campagnes par la misère. Ces nouveaux venus ont surpeuplé non seulement la Médina et ses anciens faubourgs (Bab Souika et Bab Jédid) mais également les nouveaux quartiers qui se sont constitués autour de la ville. Ces quartiers pauvres formaient la ceinture « rouge » de Tunis et abritaient des logements rudimentaires appelés « gourbis » qui coexistaient avec quelques maisons en dur fort humbles. C’est là, dans les nouveaux faubourgs, que se jouaient effectivement les transformations de la condition ouvrière et de la morphologie urbaine.
Adoptant une méthodologie serrée, combinant plusieurs techniques d’enquête, le sociologue Sebag – formé sur le terrain – étudie avec une grande précision, les formes de l’habitat, les origines et les structures de la population, les niveaux de vie en relation avec le travail et l’emploi, la vie familiale et la différenciation sociale ainsi que l’intégration à la vie citadine de ces masses d’origine rurale. Tout est passé au peigne fin et tous les types de documents analytiques (tableaux statistiques, cartes, plans, vues aériennes, archives de la police, questionnaires, interviews, observations) sont savamment utilisés.
Par là, Sebag fonde la sociologie tunisienne de la ville et de l’espace urbain qu’il ne cessera de développer le long de sa carrière de recherche, notamment avec sa magistrale monographie de La Hara (1959), sa remarquable investigation de La Grande mosquée de Kairouan (1963) et sa monumentale Histoire de la ville de Tunis (1998). Ce dernier ouvrage, composé de près de 700 pages était, à l’état de manuscrit, destiné dès le début des années 1970 à être une thèse de doctorat d’Etat en géographie qu’il n’a jamais, en chercheur très exigeant, voulue soutenir mais qu’il a enfin publiée, en la transformant en une histoire urbaine avec une structure différente. Il s’agit d’un travail colossal qui a nécessité pas moins d’un demi-siècle de collecte de documents, de mise à jour à la lumière des travaux les plus récents, de réflexion et de rédaction. Il a été enfin édité à la satisfaction de nombreux chercheurs, enseignants, praticiens, décideurs et habitants de Tunis qui attendaient de le lire et de mieux se connaître. Depuis sa parution, c’est une référence incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la ville de Tunis et aux cités de la Méditerranée. Le lecteur est guidé pas à pas grâce à une grille de lecture simple où, pour chaque période historique, depuis la fondation de Tunis dans le Haut Moyen Age jusqu’au milieu des années 1970, l’auteur établit une radioscopie basée sur la trilogie de la population, de la morphologie et des activités urbaines.
En réalité, l’intérêt pour l’urbain découle d’une vocation de géographe – son véritable métier, s’il fallait en avoir un et un seul – toujours attentif aux conditions naturelles et climatiques ainsi qu’aux facteurs humains, tout en ayant une curiosité et une capacité de lecture des plans, cartes, estampes et autres photographies de l’agglomération urbaine étudiée. C’est là une démarche originale qui lie l’histoire sociale à l’étude de l’espace urbain, investi et reconstruit.

Récits de voyage

Parallèlement à la ville et à l’urbain, P. Sebag accorde une attention particulière aux récits des voyageurs ayant visité Tunis, du XVIIe au XIXe siècle. C’est là le second moment et champ de recherche révélant en lui l’historien qui fréquente, « par goût » plus que « par métier », les textes et les manuscrits. Cette vocation et passion pour les textes anciens commence avec la découverte inopinée, dans la boîte d’un bouquiniste, sur les quais de la Seine, de l’opuscule de Davis Nathan consacré à Tunis. Chapelain anglican dont Flaubert fut, lors de son voyage, l’hôte dans sa maison de la Marsa, Davis publia en 1841 une brève esquisse de l’état du Royaume au temps d’Ahmed Bey (1837-1855). Jugeant les pages consacrées à la ville de Tunis essentielles et d’autant plus intéressantes qu’elles étaient introuvables dans la Bibliothèque du Souk el-Attarine, Sebag les traduit et les publie en 1958, en les accompagnant de notes pour éclairer des pans entiers de l’histoire et de la vie quotidienne de ses habitants.
À la description des rues, des immeubles et des mosquées s’ajoute une ethnographie vivante des mœurs, des croyances et des pratiques superstitieuses des différentes communautés (musulmane, israélite et chrétienne – catholique, orthodoxe et protestante).
Une année plus tard, en 1959, Sebag renoue avec ce genre littéraire, en présentant un tableau descriptif des Juifs de Tunisie, d’après le voyageur juif roumain Benjamin II. C’est, encore une fois, de la langue anglaise qu’il traduit un chapitre de ce livre qui lui a été signalé par son ami Robert Attal et qui porte sur Tunis. Publié en 1859, le récit de Benjamin II était resté inconnu de tous ceux qui avaient étudié la Tunisie du XIXe siècle. La valeur de ce récit de voyage provient aussi, comme le signale d’emblée Sebag, de la capacité du voyageur-écrivain à pénétrer dans les communautés juives de Tunis, en alliant sympathie et objectivité pour l’objet étudié. Une telle compétence lui permet de brosser un tableau moral de cette minorité religieuse et de fournir de précieuses informations sur la place des juifs dans les activités économiques, y compris l’agriculture puisque des fellahs juifs exerçaient à Jerba, à Gabès, dans le Jérid et à Nabeul. Ces chefs-lieux sont décrits minutieusement de même que des villes comme Tunis, Sousse, El-Jem, Bizerte, sont également l’objet de notes qui s’attardent sur les Juifs ainsi que sur les comportements et les croyances magiques des femmes.
Plus tard, au cours des années 1980, Sebag continue de rendre compte d’autres récits de voyageurs ayant visité la régence de Tunis au XVIIe sècle, à l’instar de l’escale faite par Jean Thévenot, de la négociation de Laurent d’Arvieux et de la mission du Père de la Motte. Nous savons que le XVIIe siècle constitue une période à la fois cruciale et inconnue de l’histoire de la Tunisie. C’est pour cette raison que Sebag s’y intéresse et lui consacre un de ses meilleurs ouvrages, publié en 1989, où il met en œuvre les sources les plus variées pour offrir un tableau des plus complets de Tunis, cette « cité barbaresque au temps de la course ». Tout y est décrit : le pouvoir dynastique et ses puissances, les quartiers et la population, la course, l’esclavage, les activités économiques, les commodités civiles de la maison et de la cité, la religion, les lettres et les arts. Grâce à ce livre d’histoire urbaine (8), le lecteur se promène dans le Tunis du XVIIe siècle comme s’il y vivait. Paul Sebag se révèle ainsi un véritable cinéaste de l’écriture historique. Tout en étant didactique et très simple, celle-ci demeure érudite et passionnante. Nous touchons là au style même de notre sociologue et historien marqué par un mariage heureux, au niveau de la méthode, entre connaissance approfondie, synthèse et vulgarisation.
Il importe d’ajouter, au niveau de ce second champ de recherche, que la passion pour les relations de voyage s’est accompagnée d’un intérêt pour les chroniques comme celle, inachevée et posthume, de Guilleragues ainsi que celle de Béranger qui ont, toutes les deux, constitué des sources d’information fort utiles pour les chercheurs et historiens de la Tunisie.

Histoire des Juifs
Enfin, le troisième champ de recherche qui recoupe en chevauchant les deux champs de recherches précédents est celui relatif à l’histoire des Juifs de Tunisie. Ce moment de la connaissance, d’inspiration identitaire inavouée, est de facture documentaire indéniable. Il a été, pour Sebag, l’occasion de s’imposer comme une « autorité incontestée de l’histoire du judaïsme tunisien ».
En réalité, l’intérêt pour l’histoire des Juifs tunisiens n’a pas du tout été tardif puisqu’il remonte à l’enquête sur la Hara de Tunis effectuée entre juillet 1956 et mars 1957. En choisissant d’analyser l’évolution de ce quartier juif situé au cœur du « vieux Tunis », Sebag s’est attelé à en retracer l’historique et à décrire sa population ainsi que les niveaux de vie et la configuration de la religion et des croyances de la communauté qui y réside.
Parmi les apports de Sebag dans cette étude élaborée au moment où s’est posée, avec la construction du nouvel Etat tunisien, la question de l’identité nationale (exclusive), il y a d’abord l’aspect de la composition de la population de ce quartier pauvre qui s’est avérée ne pas être exclusivement juive puisque les israélites tunisiens ne constituaient que 70,52% alors que les musulmans tunisiens étaient de l’ordre de 7,78% ; le reste étant formé de français (12,41%), d’étrangers européens (7,78%) et autres.
En plus, la distribution dans l’espace permet de montrer, carte à l’appui, que la présence des israélites varie entre 0% et 75% au sein de telle ou telle partie de la Hara. Enfin, si les Juifs jouaient dans l’entre-deux-guerres un rôle politique, l’indépendance nationale les avait contraint à jouer uniquement un rôle religieux et social. À ce titre, Sebag ne manqua pas d’attirer l’attention sur l’isolement de la population juive qui se trouvait brusquement séparée du reste de la Nation et c’est pour cela qu’il recommanda la création d’un Consistoire juif – formule laïque, doit-on préciser – destiné à représenter et à intégrer la communauté.
Lors d’un colloque organisé, en 1967, par le Centre d’Etudes Economiques et Sociales (CERES), sur les mutations de la famille tunisienne, le directeur et sociologue Abdelwahab Bouhdiba demanda à Paul Sebag de brosser un tableau de la famille israélite au XXe siècle. Il en est ressorti un article fort intéressant sur les traits de la famille juive traditionnelle et sur ses transformations structurelles.
Qualifiée par Jacques Berque d’ « étude d’ethnologie historique », la contribution de Sebag permit de mettre en relief les similitudes et les différences existant entre la famille israélite et la famille musulmane en Tunisie. La famille juive s’est profondément transformée avec le passage de la famille traditionnelle à la famille conjugale et il s’est effectué un nouveau partage des rôles des sexes dans l’organisation domestique grâce, note Sebag, à la scolarisation dans les écoles françaises et à l’acceptation de l’« acculturation » par la majorité. Cette « acculturation » consistait en l’introduction d’une « langue de culture » avec toute les valeurs qu’elle véhiculait. Du coup, « la mutation culturelle a facilité la promotion économique et sociale de la minorité juive. Dès qu’elle a eu les moyens, elle a quitté les ghettos où elle avait jusque-là vécu groupée pour s’installer dans les villes neuves et se mêler aux colonies européennes. De celles-ci, elle a subi d’autant plus l’influence qu’elle parlait le français et avait accédé à une culture moderne, fût-elle élémentaire ».
Il est à signaler qu’il n’en a pas été de même pour les tunisiens de confession musulmane qui ont été scolarisés notamment dans les écoles franco-arabes, avec une très grande majorité masculine, tout en se réfugiant pour la plupart dans les traditions pour pouvoir résister à la colonisation. C’est là un des éléments cruciaux de la différence entre une minorité et une majorité de population dans une situation de domination économique, politique et culturelle.
Etudiant en sociologue les transformations des deux communautés, Sebag les compare alors à une sorte de bombe qui, pour la famille israélite, a explosé dès les premiers jours – le XIXe siècle, pour être précis – alors que, pour la famille musulmane, elle a été « une bombe à retardement ».
Au début des années 1990, Sebag réunit l’essentiel de ses connaissances historiques et ethnographiques sur les Juifs de Tunisie et les publie dans un livre riche et documenté qui brosse un tableau complet de la communauté, des origines à nos jours. Les aspects démographiques, économiques, sociaux, culturels et politiques sont traités dans une double approche historique et sociologique. L’on y apprend beaucoup sur la formation et l’évolution de cette minorité à travers les siècles. Sa structuration en deux communautés imbriquées et séparées – la mauresque (twânsa) et la livournaise (grâna) – au lendemain de la conquête ottomane est analysée de l’intérieur mais avec distanciation, de même que sont précisés les tournants historiques, les institutions ainsi que les langues et les écritures, les mœurs et les coutumes, les vêtements et les parures.
Au delà de l’analyse, à la fois globale et précise, ce livre de référence apporte également des éclairages importants sur deux phénomènes qui ont bouleversé la structure de l’antique communauté juive de Tunisie lors de la période contemporaine : l’occidentalisation durant le protectorat français et le départ massif vers la France et Israël au lendemain de l’indépendance nationale.
Au soir de sa vie, en 2002, Sebag ajoute à ce tableau historique une étude sur les noms des Juifs de Tunis où il étudie leurs origines et leurs significations. Comme à l’accoutumée, il signale les études précédentes qui ont traité du même objet, telle que celle de M. Eisenbeth (1936), en relevant les lacunes et les limites de cette contribution (9).
En conclusion de cette note d’hommage au disparu, nous retiendrons que l’œuvre de Paul Sebag s’organise autour de trois grands champs de recherche à partir du croisement de deux approches complémentaires, la sociologique et l’historique, dans un pays précis, la Tunisie, dont il a su démontrer la complexité humaine et la dynamique sociale.
Sociologue et historien, Paul Sebag a également développé une curiosité pour d’autres thèmes auxiliaires tels que les expéditions maritimes arabes, l’hôpital des Trinitaires espagnols, les monnaies, la course « barbaresque », voire les contes arabes et persans. C’est dire la diversité et la grande variété de sa carrière de chercheur reconnu, bien qu’isolé. Aussi, les nombreux travaux de Sebag pourraient-ils donner l’impression d’être des lambeaux d’un savoir éclaté alors qu’ils sont en réalité unis par une problématique commune élaborée autour de l’idée du choc de la modernité mais également de la singularité historique de la Tunisie. Dans un livre illustré sur la Tunisie (1961), Sebag écrit à ce titre : « Nous sommes sensibles à ce que chaque nation possède en propre; nous croyons reconnaître dans la personnalité tunisienne l’œuvre d’une destinée singulière, de Carthage à demain. ».
Cette même singularité a été analysée et mise en valeur par l’Ecole historique française de Tunisie – une véritable communauté scientifique locale – dont les illustres représentants étaient Charles Monchicourt, Pierre Grandchamp, Jean Pignon, Marcel Gandolphe, Jean Ganiage, Charles Saumagne, André Martel et l’ottomaniste R. Mantran…que Sebag a eu la fortune d’avoir pour « éclaireurs » et « compagnons de route ».
Il est à ajouter, enfin, que si les trois champs de recherche de Sebag (la ville, les récits de voyage et les Juifs de Tunisie) se sont succédés et parfois chevauchés le long de sa carrière, ce sont ses travaux sur la ville de Tunis qui ont été au cœur de ses investigations et de sa production scientifique.
Deux références, brèves mais consistantes, pourraient servir à illustrer cette orientation urbanistique éminemment féconde : un ancien article sur la ville européenne à Tunis au XVIe siècle et une récente notice de synthèse sur l’histoire urbaine de Tunis.
Dans l’article sur la ville européenne, Sebag apporte du nouveau sur la topographie de Tunis au XVIe siècle en reprenant, sur la base de documents inédits auxquels n’avait pas eu accès Ch. Monchicourt, la question de la localisation de la nova arx. Située entre les murs de la ville et le lac, cette nouvelle citadelle dont la construction commença en 1573 semble s’être déployée sur l’emplacement de la ville moderne de Tunis. Cette ville éphémère qui fut une première « ville européenne » dans le Tunis au XVIe siècle se serait située, selon l’évaluation de Sebag, entre l’actuelle avenue Mohamed V et la cathédrale de Tunis ; laquelle recouvrait le cimetière Saint-Antoine où se trouvait le lieu dit Bastion (bastioun).
Dans l’entrée « Tunis » rédigée pour l’Encyclopédie de l’Islam (Nouvelle édition, tome X, 2002, pp. 676-688), Sebag prolonge et enrichit l’apport du grand maître des études kairouanaises et tunisiennes qu’était Ch. Monchicourt, rédacteur de la première notice sur Tunis (Encyclopédie de l’Islam, 1934, Tome IV-I, pp. 881-888). Il approfondit les connaissances historiques en les réactualisant, étend l’analyse à la période de l’entre-deux-guerres et aux lendemains de l’indépendance nationale jusqu’aux tous récents développements et transformations de l’espace urbain. C’est tout un mouvement d’extension urbaine où « le centre-ville ne cesse de s’annexer les zones voisines et s’étend maintenant sur des terrains conquis sur le lac dont on a entrepris de reculer les rives ».
En fait, Paul Sebag reprend ici la note finale du livre monumental qu’il avait consacré à sa ville natale (10) et qu’il a eu l’élégance et la modestie de conclure par cette invitation :
« La nouvelle Tunis appelle déjà un autre livre, mais il reviendra à d’autres de l’écrire. Nous ne tenterons pas de conduire plus loin cette histoire d’une ville. »


(en 1994 au diner-débat de l’ALCT consacré à Paul Sebag, à l’occasion de la sortie de son livre « Tunis, histoire d’une ville » l’Harmattan. il est interrogé par Gérard Sebag (pas de parenté avec Paul), journaliste à France 2, Hélène Hayat secrétaire générale de l’ALCT).

Mohamed KERROU

Notes

(1) Je suis reconnaissant à Anne-Marie Planel, directeur adjoint de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), qui a lu une première version de la présente note et a émis des observations critiques qui ont été, pour la plupart, intégrées. Mes remerciements vont également à Maître Lionel Lévy, ancien ami du disparu, qui a eu l’amabilité de répondre, par écrit, aux questions que je lui ai adressées à propos de la vie et de l’itinéraire de Paul Sebag.

(2) « Ce travail n’était pas destiné par lui à la publication, mais l’ayant occasionnellement montré à un universitaire français, celui-ci lui fit observer qu’il serait regrettable qu’une étude de cette qualité soit perdue pour le public et pour les chercheurs » (Témoignage de M° L. Lévy).
Mme Lilia Ben Salem a eu la courtoisie de me signaler que les Editions sociales (Paris) avaient lancé, à l’époque, une série d’ouvrages sur le Maghreb et c’est ainsi que la monographie de la Tunisie de P. Sebag a été suivie d’un livre sur le Maroc (Ayache Germain, Le Maroc. Bilan d’une colonisation. Préface de Jean Dresh, 1956) et d’un livre sur l’Algérie (Lacoste Yves, Nouschi André ; Prenant André, L’Algérie. Passé et présent, 1960).
Ces trois livres ont été publiés au sein de la collection « La Culture et les Hommes ».

(3) « Le père de Paul, Victor Sebag qui était un avocat estimé, appartenait à une famille de la bourgeoisie juive tunisienne. Sa mère née Attal, également. Ils vivaient bien entendu dans la ville européenne, comme la bourgeoisie aisée. » (Témoignage de M° L. Lévy).

(4) « Une anecdote pour marquer le courage du jeune Paul Sebag devant le Tribunal militaire de Vichy. Son père ayant choisi comme avocat pour le défendre Me Tixier-Vignancourt, personnalité pétainiste alors en faveur à Tunis, ce dernier voulut mettre les faits reprochés sur le compte de la jeunesse et de la mauvaise influence subie. Paul Sebag déclara au Tribunal qu’il renonçait à se faire défendre par Me Tixier-Vignancourt et assumerait sa défense lui-même » (Témoignage de M° L. Lévy).

(5) « Paul Sebag aimait passionnément la Tunisie à laquelle il s’identifiait malgré sa culture franco-italienne. Ce sentiment était renforcé, je pense, par son sens de la justice qui lui faisait condamner le régime colonial, et sa sympathie pour le petit peuple, qu’il s’agisse de celui de la Médina, de la Hara ou de la petite Sicile. » (Témoignage de M° L. Lévy).

(6) Cf. notre article « Hommage à Paul Sebag, le pionnier de la sociologie en Tunisie », Réalités, n° 979, du 30/9 au 6/10/2004, pp. 40-41.

(7) « Paul s’est marié avec Diana Gallico, appartenant à la communauté des « Grana », fille d’un avocat de Tunis (…). Paul était italophone dès l’enfance (…). Il m’a expliqué comment, par la suite, le français a substitué l’italien sans qu’il oublie cette deuxième langue. J’ai observé qu’il avait néanmoins des notions d’arabe et même davantage » (Témoignage de M° L. Lévy).
A ces trois langues, il convient d’ajouter la langue de Shakespeare que P. Sebag maîtrisait parfaitement, comme l’atteste sa traduction de certains passages d’Othello et des récits de voyage de N. Davis et Benjamin II.

(8) Pour le compte rendu de ce livre, Cf. Boubakeur Sadok « Tunis au XVIIe siècle. Une cité barbaresque au temps de la course de Paul Sebag », Ibla, n° 167, 1991/1, pp. 117-123.

(9) Il est à signaler que le livre de Sebag sur les noms des Juifs tunisiens a été soumis à une recension critique d’une vingtaine de pages, de la part de M° Lionel Lévy qui, tout en exprimant son respect et admiration pour la probité intellectuelle de Sebag, a contesté les origines portugaises, italiennes et maghrébines de certains noms (Cf. www. harissa. com).

(10) Après la sortie de son livre sur Tunis. Histoire d’une ville (1998), Paul Sebag a été invité pour présenter, dans une librairie de la Marsa, son livre devant un public composé pour l’essentiel de ses anciens amis, élèves, étudiants et également nombre de jeunes qui sont venus l’écouter raconter l’histoire de leur ville.

Liste des publications de Paul Sebag
Livres

– La Tunisie. Essai de monographie, Paris, Editions Sociales, 1951.
– Enquête sur les salariés de la région de Tunis (en collaboration avec T. Benzina-Bencheikh, M. Lahmi, B. Lazar, J. Lévigne…), Paris, PUF (Publications de l’Institut des Hautes Etudes de Tunis, Mémoires du Centre des Sciences Humaines, Vol. III, fasc. 3), 1956.
– Le gourbiville de Saïda Manoubia. Etude préliminaire, Tunis, Centre d’Etudes Economiques, 1958.
– L’évolution d’un ghetto nord-africain. La Hara de Tunis (en collaboration avec R. Attal), Paris, PUF (Publications de l’Institut des Hautes Etudes de Tunis, Mémoires du Centre d’Etudes des Sciences Humaines, Vol. V), 1959.
– Un faubourg de Tunis : Saïda Manoubia. Enquête sociale par P. Sebag. Enquête nutritionnelle et médicale par Dr M. Ben Salem, Dr J. Claudin et Mme H. Taïeb, Paris, PUF (Publications de l’Université de Tunis, Mémoires du Centre des Sciences Humaines, Vol. VI), 1960.
– Tunisie. De Carthage à demain (en collaboration avec Cl. Roy). Photographies d’I. Morath, A. Martin ; M. Riboud, Paris, Delpire, 1961.
– La Grande mosquée de Kairouan. Texte de P. Sebag. Photographies d’A. Martin, Paris, Delpire, 1963.
– (Textes recueillis et collationnés par P. Sebag ; A. Martel) Pierre Grandchamp, Etudes d’histoire tunisienne XVIIe-XXe siècle, Paris, PUF (Publications de l’Université de Tunis, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines), 1966.
– Préface à Zoubeir Turki, Tunis naguère et aujourd’hui. Adaptation française de Cl. Roy, Tunis, Publications du secrétariat d’Etat à l’information et au tourisme, 1967.
– Les préconditions sociales de l’industrialisation dans la région de Tunis (en collaboration avec A. Bouhdiba ; C. Camilleri), Tunis, Cahiers du CERES, Série Sociologique n°1, 1968.
– Toute la Tunisie. Photographies d’A. Martin, Tunis, Cérès Productions, 1968 (Tr. anglaise par R. Maguire : Tunisia. Time past ans Time present, Tunis, Cérès Productions, 1968).
– Une relation inédite sur la prise de Tunis par les Turcs en 1574. Sopra la desolatione della Goletta e forte di Tunisie di Bartholomeo Ruffino. Introduction, texte et traduction annotée de P. Sebag, Tunis, Publications de l’Université de Tunis, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1971.
– Pétis de la Croix : Les Mille et Un jours. Contes persans, Paris, Christian Bourgois, 1980.
– Tunis au XVIIe siècle. Une cité barbaresque au temps de la course, Paris, L’Harmattan, 1989.
– Histoire des Juifs de Tunisie. Des origines à nos jours, Paris, L’Harmattan, 1991.
– (Ed) Nicolas Béranger, La Régence de Tunis à la fin du XVIIe siècle. Mémoire pour servir à l’histoire de Tunis depuis 1684. Introduction et notes de P. Sebag, Paris, L’Harmattan, 1993.
– Les Juifs de Tunisie. Images et textes (sous la coordination de J-P. Allali, A. Goldmann, P. Sebag). Préface d’A. Memmi, Paris, Biblieurope, 1997.
– Tunis : Histoire d’une ville, Paris, L’Harmattan, 1998.
– François Pétis de la Croix. Histoire du prince Calaf et de la princesse de la Chine, Paris, L’Harmattan, 2000.
– La course tunisienne au XVIIIe siècle, Tunis, Publications de l’Ibla, 2001.
– Communistes de Tunisie 1939-1943. Souvenirs et documents, Paris, L’Harmattan, 2001.
– Les noms des Juifs de Tunisie. Origines et significations, Paris, L’Harmattan, 2002.
– Une histoire des révolutions du Royaume de Tunis au XVIIe siècle. Une œuvre de Guilleragues ? Paris, L’Harmattan, 2004.

Articles

– « Les niveaux de vie et la consommation dans la délégation de la Marsa », Bulletin de Statistique et d’Etudes Economiques, n° 2, nouvelle série, avril-juin 1958, pp. 65-76.
– « Une description de Tunis au XIXe siècle [Nathan Davis] », Cahiers de Tunisie, n° 21-22, 1è et 2è trim. 1958, pp.161-181.
– « Le bidonville de Borgel », Cahiers de Tunisie, n° 23-24, 3è et 4è trim. 1958, pp. 267-309.
– « L’industrialisation de la Tunisie: une expérience pilote dans l’industrie de la chaussure », Cahiers de Tunisie, n° 25, 1è trim. 1959, pp. 147-173.
– « Les Juifs de Tunisie au XIXe siècle d’après J-J. Benjamin II », Cahiers de Tunisie, n° 28, 4è trim. 1959, pp. 489-510.
– « Le faubourg de Sidi Fathallah », Cahiers de Tunisie, n° 29-30, 1er et 2è trim.1960, pp. 75-136.
– « Les expéditions maritimes arabes du VIIIe siècle », Cahiers de Tunisie, n° 31, 3è trim. 1960, pp. 73-82.
– « Une ville européenne à Tunis au XVIe siècle », Cahiers de Tunisie, n° 33-34-35, 1è et 3è trim. 1961, pp. 97-107.
– « Milieux sociaux et attitudes à l’égard de la vie », Tunisie Médicale, n° 2, 1961, pp. 1-8.
– « Remarques sur l’histoire de la Grande mosquée de Kairouan » (en collaboration avec A. Lézine), Ibla, n° 99, 1962/3, pp. 244-256.
– « Cartes, plans et vues de Tunis et de la Goulette au XVIIe et au XVIIIe siècle » in Etudes Maghrébines. Mélanges Ch-A. Julien, Paris, PUF, 1964, pp. 89-101.
– « La peste dans la Régence de Tunis au XVIIe et XVIIIe siècle », Ibla, n° 109, 1965/1, pp. 35-48.
– « La famille israélite en Tunisie au XXe siècle », Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 11, octobre 1967, pp. 109-122.
– « La Goulette et sa forteresse de la fin du XVIe siècle à nos jours », Ibla, n° 117, 1967/1, pp. 13-34.
– « Les travaux maritimes de Hassan b. Nu’mân », Ibla, n° 125, 1970/1, pp. 41-56.
– « Une nouvelle de Bandello (XVIe siècle) : Moulay Hassan et Moulay Hamida », Ibla, n° 127, 1971/1, pp. 35-62.
– « Une lecture d’Othello. Le More de Venise et « la haine pour rien » », Ibla, n° 129, 1972/1, pp. 33-58.
– « Sur une chronique des beys mouradites. Une œuvre posthume de Guilleragues? », Ibla, n° 131, 1973/1, pp. 53-78.
– « Grands travaux à Tunis à la fin du XVIIIe siècle », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 15-16, 1973, pp. 313-321.
– « Sur une chronique des beys mouradites. II : Guilleragues et De la Croix », Ibla, n° 139, 1977/1, pp. 3-51.
– « Voyages en Tunisie au XVIIe siècle. L’escale de Jean Thévenot (9-30 mars 1659) », Ibla, n° 145, 1980/1, pp. 47-78.
– « Sur deux orientalistes français du XVIIe siècle. F. Pétis de la Croix et le Sieur de la Croix », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 25, 1978, pp. 89-118.
– « La négociation de Laurent d’Arvieux (12 juin 1666 – 15 août 1666). Voyages en Tunisie au XVIIè siècle », Ibla, n° 147, 1981/1, pp. 71-94 et n° 148, 1981/2, pp. 253-286.
– « Voyage en Tunisie au XVIIe siècle. La mission du Père de la Motte (2 juin-26 juin 1700) », Ibla, n°165, 1990/1, pp. 3-37 et n° 166, 1990/2, pp. 219-236.
– « Les monnaies tunisiennes au XVIIe siècle », Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée, n°55-56, 1990, pp. 203-218.
– « L’hôpital des Trinitaires espagnols à Tunis (1720-1818) », Ibla, n° 174, 1994/2, pp. 203-218.
– « La Régence de Tunis et la France au XVIIe siècle » in Itinéraires de France en Tunisie du XVIe au XIXe siècle, Marseille, Bibliothèque Municipale, 1995, pp. 23-29.
– « Tunis », Encyclopédie de l’Islam, Nouvelle Edition, 2002, pp. 676-688 (Edition anglaise, pp. 629-639).
– « Aux origines de l’Orient romanesque. Quel est l’auteur des Mille et Un jours? », Ibla, n° 193, 2004/1, pp. 31-60. Voici, en hommage à Paul Sebag – professeur de français au lycée Carnot – un article publié, à Tunis, dans le dernier numéro de la revue Ibla (Institut des Belles Lettres Arabes) par Mohamed Kerrou, Maître de conférences à l’Université de Tunis.

Maha Ben Abdeladhim chez l’Harmattan

lundi 17 janvier à 19h
Espace l’Harmattan, 21 bis rue des écoles Paris 75005. Les éditions l’Harmattan nous invitent à rencontrer Maha Ben Abdeladhim à l’occasion de la sortie de son livre « Vêtue de tes départs ».
Maha, ancienne élève du lycée Bourguiba ex-Carnot, a été un des neuf lauréats du Prix de la francophonie organisé par notre association, en 1998.

Remise de Prix (mars 1998)


Les 9 lauréats à Paris, ici à l’Hôtel de Ville

Pourquoi le prix ?
Ce Prix est la manifestation de la continuité francophone en Tunisie durant tout ce siècle : des élèves – venant de tant de communautés différentes qui ont appris le français et la culture française sur les bancs du lycée Carnot -aux jeunes tunisiens du lycée Bourguiba, tous partagent cette langue, cette culture et les valeurs humanistes qu’elles véhiculent.
Ce Prix est un témoignage vivant de ce que la relation franco-tunisienne a de fécond pour l’avenir, et, ce faisant, il renforce les liens entre tous les  » anciens « , partout où ils se trouvent, en leur donnant l’opportunité de restituer, ne serait-ce que symboliquement à la Tunisie, pays de leur enfance, à ce lycée français, à leurs professeurs, un peu de tout ce bonheur qu’ils y ont reçu.

Le règlement
Les candidats admis à concourir ont été les 116 élèves de 6ème année (première), 100 élèves des classes de 5ème année (seconde), 100 élèves des classes de 4ème année (troisième). Pour les classes de 5ème et 4ème années, les élèves ont été sélectionnés de la façon suivante : les 5 premiers en français de chaque classe (17 classes) et pour les suivants, par leurs meilleures moyennes générales.
.Le dèroulement
Le concours a eu lieu le 17 mai 1997 de 8 h. à 11 h. auprès de 306 candidats sur le sujet suivant  » Vous vous apprêtez à jeter une bouteille à la mer contenant un message en souhaitant qu’elle soit retrouvée par un jeune de votre ‚ge sur les rives françaises. Rédigez la lettre que vous allez mettre dans cette bouteille « .
9 lauréats (3 de chaque niveau) ont été sélectionnés à Tunis le 31 octobre 1997, après une difficile présélection de 30 très bonnes copies.
L’A.L.C.T., soucieuse d’établir des liens et de faire le pont entre les anciens du lycée et les jeunes tunisiens du lycée-pilote Bourguiba (ex-lycée Carnot), a eu l’idée de créer un Prix.
Ce Prix a distingué des élèves qui, par la qualité de leur rédaction française et la validité de leurs argumentations, ont le mieux illustré les valeurs d’ouverture que défend l’association.

PRESENTATION

Pourquoi une association des Anciens du Lycée Carnot de Tunis (ALCT) ? Une attente existait. Chacun dans son coin se demandait comment avaient évolué ses camarades de classe. Le 6 janvier 1993, l’ALCT est née. Très vite, elle a rencontré un fort écho. Nous avons été là au bon moment. Les anciens élèves avaient besoin de comprendre leur passé, l’histoire de la France et de la Tunisie, à travers leurs familles, leurs amisÖ A un stade de leur vie, ils ressentaient la nécessité de se replonger, au delà des clivages professionnels, communautaires ou politiques, dans ce melting-pot joyeux qu’était Carnot dans leur souvenir. Cette association est entrée immédiatement en résonance avec eux. Un réseau affectif s’est remis en marche. Les faits sont là : plus de mille adhérents et trois mille anciens retrouvés en une dizaine d’années.
Quelles sont les activités de l’ALCT ? Une lettre d’information, trois fois par an qui présente le courrier des adhérents, le compte-rendu du dîner-débat, l’actualité des adhérents, des rendez-vous dans des lieux de mémoire … L;#39;annuaire: des centaines de personnes sont inscrites dans l’annuaire de l’association – de plus en plus épais à chaque parution -, assistent régulièrement aux dîners-débats, participent aux voyages et se connectent sur notre site. Des avis de recherche, venus de partout ( France, Tunisie, Italie, IsraÎl, Canada et même de Colombie) sont lancés sur Internet. Comme celui-ci : « nous recherchons tous nos camarades de 3ème5, année 71-72. Voici la liste de la classe. Si vous avez un frère, une sŒur, un ami ou un membre de votre famille qui se reconnaît, ou une quelconque piste, contactez-nous très vite ». Ce site a fait naître des relations inimaginables par des connexions avec le monde entier. Ainsi à la suite d’échanges électroniques, un voyage à Rome a été organisé au printemps dernier pour rencontrer d;#39;anciens condisciples italiens. La réunion a été très chaleureuse. Beaucoup d’histoires, de blagues, des questions : « qui a mon ‚ge, qui est de ma promo, est ce que vous connaissez celui-là, qu’est devenu celui-ci ? J’ai joué avec un tel à la guitare, j’ai chanté avec cet autre à l’Hacienda et dans toutes les boites de Tunis où l’on faisait la fête ». Un seul d’entre nous a retrouvé un copain de classe. Une de nos figures mythiques, un professeur de maths, monsieur Colas – lui-même ancien élève, dont les quarante ans de carrière se sont déroulés à Carnot ñ a lancé un appel. Devenu aveugle, il souhaitait reprendre contact avec ses anciens élèves. Nous avons reçu des centaines de messages émouvants, chaleureux, qui décrivent ses cours, ses manies. Ce professeur, toujours ganté de blanc pour écrire au tableau à la craie omyacolor, nous faisait partager sa passion de l’astronomie. Ses élèves de l’année 1979 se souviennent des photos de la NASA qu’il leur avait montrées, les premiers clichés de la planète Mars par la sonde Voyager. L’infamie suprême était de se faire traiter de crétin. Dans ces courriers c’est tout un monde enfoui qui s’exprime. Il a été tout heureux de ces évocations qui o;shy;nt éclairé la fin de sa vie. D’autres liens, d’autres rencontres se font aussi comme des échanges d’appartements avec la Tunisie et des demandes de stage.En Tunisie, d’autres événements o;shy;nt ravivé la mémoire de Carnot. Les associations d’anciens élèves, celle de Tunisie et celle de France o;shy;nt en premier célébré le centenaire du lycée en 1993. Elles o;shy;nt ensuite mis en place ensemble, en 1998, le Prix francophone destiné aux élèves du lycée-pilote actuel (en 1983, le lycée Carnot est rétrocédé à l’Etat tunisien et prend le nom de son plus célèbre ancien élève tunisien, Habib Bourguiba). Un concours pour les élèves des classes terminales sur le thème : « vous vous apprêtez à jeter une bouteille à la mer contenant un message, en souhaitant qu’elle soit retrouvée par un jeune de votre ‚ge sur les rives françaises. Rédigez la lettre que vous allez mettre dans cette bouteille » a reçu un accueil enthousiaste. Un jury composé d’écrivains, tunisiens et français a sélectionné les meilleures rédactions. Neuf lauréats, sept filles et deux garçons, ‚gés de 15 à 18 ans, o;shy;nt été récompensés par un voyage d’une semaine à Paris. Une grande cérémonie a réuni dans la salle des fêtes du lycée les anciens élèves, toutes générations confondues. A Paris, durant la semaine de la Francophonie, ces jeunes émerveillés o;shy;nt été accueillis et guidés par des membres de notre association.;nbsp;;nbsp;;nbsp;;nbsp;;nbsp;En 2003, L’association a fêté ses dix ans en grande pompe à l’Hôtel de Ville de Paris. Plus de mille personnes ont répondu à l’appel, dont le président de l’association jumelle à Tunis Taoufik Ben Ghars et en présence de trois anciens élèves des lycées français de Tunisie : madame l’ambassadrice de Tunisie, Bertrand Delanoe et Philippe Séguin. Cette adolescence toujours présente en nous, revient en force. Raviver l’esprit Carnot, replonger dans nos racines et poursuivre l’idéal républicain dans lequel nous avons été élevés, tel est le but de l’association. C’est ce que je veux transmettre.(d’après le témoignage de Michel Hayoun, président de l’ALCT, dans l’ouvrage Les lycées français du soleil, creusets cosmopolites de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc, d’Effy Tselikas et Lina Hayoun, aux éditions Autrement, collection « Mémoires »).

Comment continuer les activités de l’ALCT ?
Pour pérenniser l’ALCT et ses activités, votre adhésion et votre fidélité nous sont vitales. En adhérant à l’ALCT, vous bénéficiez de l’annuaire 2007 comprenant les coordonnées de plus de 1000 anciens élèves de Carnot, des réductions sur les dîners-débats, les spectacles,des invitations prioritaires pour nos événements exceptionnels.
Pour cela Il vous suffit de glisser dans une enveloppe dès aujourd’hui le formulaire d’adhésion dument rempli, accompagné de votre chèque et de le poster. Cliquez ici pour accéder au formulairePourquoi une association des Anciens du Lycée Carnot de Tunis (ALCT) ?

Quelles sont les activités de l’ALCT ?

SEBAG PAUL


Paul Sebag, la mémoire de Tunisie par Claude Sitbon (LC ),le 12 décembre 2004

Paul sebag n’est plus depuis le 5 septembre dernier. C’est une perte pour la Tunisie, dont il fut l’un des brillants historiens, et pour la communauté juive, dont il fut l’un des chantres.
Né à Tunis le 26 septembre 1919, Paul était un homme au sourire malicieux, dont l’étendue des connaissances n’avait d’égale que la splendeur de sa bibliothèque. Cette bibliothèque était un objet de fierté: il ne pouvait l’évoquer sans penser à son père, l’éminent avocat, qui lui avait appris à lire les classiques grecs et latins, les auteurs français et étrangers, sans parler de la philosophie et de l’histoire. Malgré, ou à cause, de ses origines « bourgeoises », il se passionna, comme bien des jeunes de son époque, pour les idées « évolutionnaires ». On se souvient de ce climat de l’entre deux-guerres qui fit la force du Parti communiste, auquel l’intelligentsia européenne s’était largement ralliée…
Après des études de droit et de philosophie, à Paris, interrompues par la guerre et les lois racistes, Paul Sebag devient militant communiste et prend une part importante à l’action clandestine du Parti communiste tunisien (PCT) contre le régime de Vichy. Arrêté,il est condamné par le tribunal de Bizerte aux travaux forcés à perpétuité, mais ne fera que dix mois de prison. Libéré au lendemain du débarquement des Alliés, le 8 novembre 1942, il reprend son activité politique au sein du PCT, dans Tunis occupé par les Allemands.
Après la libération, le 7 mai 1943, Paul devient journaliste et assure la rédaction du journal du parti. Mais le journalisme, comme l’on sait, ne nourrit pas son homme. Il achève donc ses études et devient, de 1947 à 1957, professeur de lettres au lycée Carnot de Tunis. Il marquera une génération entière d’étudiants, qui gardent de lui un souvenir lumineux.
En 1951, il publie son premier livre La Tunisie – Essai de monographie, une analyse de l’économie et de la société tunisiennes. Un livre « engagé » qui rencontre un grand succès. Il songe alors à préparer un doctorat et dépose un sujet de thèse. En réalité, il commence par publier plusieurs études de sociologie urbaine qui l’amènent à enseigner à l’Institut des hautes études de Tunis, puis à la faculté des lettres de cette même ville. S’étant enfin attelé à la rédaction de sa thèse, il y consacre de très nombreuses années. L’ayant enfin achevée, il ne la publie pas. C’est qu’il est atteint de cette maladie qui
frappe certains intellectuels: le perfectionnisme.
De 1957 à 1977, il sert le gouvernement tunisien, mais, à la rentrée d’octobre 1977, son contrat n’est pas renouvelé. Il est alors nommé à la faculté de Rouen, où il enseignera pendant deux ans, puis fait valoir ses droits à la retraite pour se remettre à sa passion: l’écriture.
Cet homme qui fut l’un des hérauts de la lutte pour le communisme ne rougit pas d’avoir partagé cette passion, même si elle fut un échec. Comme fut un échec, hélas ! cette volonté de lutter pour la nation tunisienne, qui, comme toutes les jeunes nations, eut du mal à conserver en son sein les non-musulmans. Après sa période d’enseignant et de militant, il se consacre à son « devoir de mémoire »: transmettre cette histoire qu’il aime tant, celle de la Tunisie et de ses juifs. En 1989, il publie Tunis au XVIIe siècle. Deux ans plus tard paraît La Régence de Tunis à la fin du XVIIe siècle, puis, en 1998, son livre majeur, celui de toute une vie : Tunis, histoire d’une ville. Enfin, il faut rappeler qu’il avait, en 1959, publié avec Robert Attal une étude sur la Hara de Tunis. Aujourd’hui introuvable, cet ouvrage mériterait sans nul doute d’être réédité.
Et puis, remis de ses désillusions, il s’est attelé à une partie de son histoire, dont il s’était jusque-là peu occupé: la « judaïcité tunisienne », selon l’expression de son camarade Albert Memmi.
En 1989, il participe à l’élaboration de l’excellent ouvrage collectif La Tunisie – images et textes. Deux ans plus tard, il publie Histoire des juifs de Tunisie, des origines à nos jours, expliquant comment et pourquoi cette communauté de plus de cent mille âmes qui avait la coquetterie de faire remonter son histoire à la reine Didon s’est arrachée à sa terre pour s’établir en France ou en Israël. Son dernier ouvrage paru en 2002 sera Le dictionnaire des Noms des Juifs de Tunisie, d’une exceptionnelle richesse d’information.
En 1994, à Paris, mon ami Abdelbaki Hermassi, qui était à l’époque ambassadeur de Tunisie à l’Unesco (il est, depuis peu, le nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères), décora Paul Sebag, au nom du président Ben Ali, de l’ordre du Mérite culturel. Lors de chacune de nos rencontres, Hermassi ne manque jamais de me rappeler « tout ce qui nous unit ».
Je souhaite qu’il poursuive ce dialogue entre interlocuteurs qui ont encore beaucoup à se dire. Ce serait le meilleur moyen de rendre justice à l’action de Paul Sebag.
Claude Sitbon

de Benito Proïetto

La disparition de Paul Sebag m’a profondément touché. J’ai été son élève à Carnot, en classe de 4ème (année 1951.1952). Professeur de français-latin, il avait eu le grand mérite de nous avoir donné le goût de la recherche et d’avoir éveillé notre curiosité sur les problèmes économiques et sociaux d’un territoire qui était aussi notre pays natal.
Je lui avais écrit il y a quelques années à la veille de sa conférence au dîner-débat où il présentait son ouvrage sur l’histoire de Tunis. Je lui avais rappelé, outre les liens qui me liaient à sa famille (son père, maître Louis Sebag était notre avocat), les recherches qu’il nous avait suggérées et que j’ai conservées (comme, par exemple, les transports routiers en Tunisie).
Il m’avait répondu avec la même gentillesse qu’il avait toujours manifestée tout au long de son enseignement. Je n’ai qu’un regret : celui de n’avoir pu le revoir après tant d’années de silence, pour retrouver son sourire affable, expression d’une sérénité, d’une discrétion et d’une sagesse que les moments parfois très difficiles de sa vie n’avaient jamais pu entacher.
Une grande perte pour la communauté des anciens de Carnot. Un de voir pour nous tous de rappeler dans nos souvenirs l’enseignant, le chercheur, l’homme.

Benito Proïetto Latina (Italie) – Lc 1956/philo
Latina (Italie) – Lc 1956/philo
Prof. de français. Historien de la Tunisie.
Photo prise en 1951 et envoyée par Alexandre Delmas

André Nahum, medecin, journaliste, écrivain

Il y a une dizaine d’années, au cours d’un déjeuner en présence d’une centaine de participants, André Nahum nous avait ébloui par ses talents de conteur. A partir de proverbes judéo-arabes, il nous avait fait revivre tout un monde enfui.

En hommage, l’article paru dans le Parisien du 24 novembre 2015, André Nahum est décédé la semaine suivante :

Le regard pétille et le discours n’a rien perdu de sa passion. André Nahum, qui a fêté ce 24 novembre ses 94 ans dans son appartement de Sarcelles, n’a rien du retraité lambda. Docteur lors de la construction du Grand Ensemble, adjoint au maire dans les années 1980, il est encore aujourd’hui chroniqueur radio et écrivain.

Il vient de sortir son dernier livre, « L’Âne, mon frère de lait ». Originaire du quartier juif de Tunis, l’homme s’est installé en 1961 à Sarcelles, ville qu’il n’a jamais quittée et où il a enfilé de multiples casquettes.

Le docteur   « Quand je suis arrivé, c’était la boue, le vent, les grues, les tours à moitié construites… » Dans les années 1960, André Nahum fait partie des tout premiers médecins de la nouvelle ville. « Beaucoup d’habitants ne parlaient pas encore français, se souvient-il. Les Turcs se présentaient en énonçant leur nationalité et l’entreprise pour laquelle ils travaillaient. Les Espagnols, quand ils ont vu que je baragouinais trois mots, m’ont appelé el médico que habla español (NDLR : le docteur qui parle espagnol). Sarcelles était extraordinaire ! » Il continuera à exercer sur l’avenue Paul-Valéry, jusqu’en 1987.

Le militant   S’il fait partie de ceux qui ont combattu la municipalité communiste (à la tête de la ville de 1965 à 1983), André Nahum refuse toute étiquette. « Un homme libre », clame-t-il. Sous la droite, il sera adjoint à la Culture de Raymond Lamontagne (RPR), avant de s’éloigner de la politique. Mais aujourd’hui encore, il continue de livrer ses analyses, notamment sur son compte Facebook et ses 750 suiveurs. Spécialiste du Moyen-Orient, ses prises de position sont toujours très tranchées (et très commentées), comme celle félicitant récemment l’intervention militaire de la Russie en Syrie.

Le chroniqueur  En 1995, l’un de ses amis médecins lui propose d’intégrer la radio juive Judaïques FM. Depuis, André Nahum se targue d’avoir participé à « 1 000 émissions en 20 ans ». Chaque semaine, il continue de préparer de chez lui unbillet d’humeur, diffusé le mercredi, à 8 h 45. Il participe également à une émission littéraire, le lundi soir. « Un hobby », qu’il pratique par téléphone ou directement dans les studios à Paris.

L’écrivain André Nahum a commencé à écrire en 1980. « Je voulais raconter tout ce qui concernait mon groupe humain, et ses histoires. » Son groupe ? Les juifs tunisiens, dont il a raconté les histoires dans des contes, des romans… Parmi ces récits, celui du boxeur Young Perez, champion du monde qui sera déporté à Auschwitz. Son dernier livre, « L’Âne, mon frère de lait », s’adresse « à toutes les générations », insiste-t-il. L’histoire d’un homme au crépuscule de sa vie, cherchant à retrouver son frère de lait, un âne, par le biais de l’émission de télé « Perdu de vue ». Une enquête lui permet de remettre les pieds sur sa terre natale… la Tunisie.

« L’Âne, mon frère de lait », éditions Ane bâté, 40 pages, 10,90 €.

Remise de Prix (mars 1998)

Les 9 lauréats à l’Hôtel de Ville de Paris

Pourquoi le prix ?

Ce Prix est la manifestation de la continuité francophone en Tunisie durant tout ce siècle : des élèves – venant de tant de communautés différentes qui ont appris le français et la culture française sur les bancs du lycée Carnot -aux jeunes tunisiens du lycée Bourguiba, tous partagent cette langue, cette culture et les valeurs humanistes qu’elles véhiculent.

Ce Prix est un témoignage vivant de ce que la relation franco-tunisienne a de fécond pour l’avenir, et, ce faisant, il renforce les liens entre tous les  » anciens « , partout où ils se trouvent, en leur donnant l’opportunité de restituer, ne serait-ce que symboliquement à la Tunisie, pays de leur enfance, à ce lycée français, à leurs professeurs, un peu de tout ce bonheur qu’ils y ont reçu.

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Le règlement

Les candidats admis à concourir ont été les 116 élèves de 6ème année (première), 100 élèves des classes de 5ème année (seconde), 100 élèves des classes de 4ème année (troisième). Pour les classes de 5ème et 4ème années, les élèves ont été sélectionnés de la façon suivante : les 5 premiers en français de chaque classe (17 classes) et pour les suivants, par leurs meilleures moyennes générales.

.Le dèroulement

Le concours a eu lieu le 17 mai 1997 de 8 h. à 11 h. auprès de 306 candidats sur le sujet suivant  » Vous vous apprêtez à jeter une bouteille à la mer contenant un message en souhaitant qu’elle soit retrouvée par un jeune de votre ‚ge sur les rives françaises. Rédigez la lettre que vousL’A.L.C.T., soucieuse d’établir des liens et de faire le pont entre les anciens du lycée et les jeunes tunisiens du lycée-pilote Bourguiba (ex-lycée Carnot), a eu l’idée de créer un Prix.

Ce Prix a distingué des élèves qui, par la qualité de leur rédaction française et la validité de leurs argumentations, ont le mieux illustré les valeurs d’ouverture que défend l’association.