LA LETTRE MEL DE SEPTEMBRE 2013

LES GRANDES EXPOS PROGRAMMEES PAR CARNOT-TUNIS

NOVEMBRE : Mercredi 6 novembre à 18h
GEORGES BRAQUE au GRAND PALAIS, 3, avenue du Général Eisenhower, Paris
Le Grand Palais présente la première rétrospective consacrée à GEORGES BRAQUE (1882-1963), depuis près de quarante ans. Initiateur du cubisme et inventeur des papiers collés, il fut l’une des figures d’avant-garde du début du XXe siècle. L’exposition propose un nouveau regard porté sur l’œuvre de l’artiste et une mise en perspective de son travail avec la peinture, la littérature ou la musique de son temps. Elle réunit des œuvres venues du monde entier.
Visites- conférences 13 €, entrée à payer sur place, merci de confirmer votre venue en envoyant un mail d’inscription à alct@free.fr
PUIS de nous adresser un chèque de 13 € par personne à CARNOT-TUNIS MDA 23, rue Vernet 75008 PARIS

JANVIER 2014 : Mercredi 8 janvier à 17h45
FRANCISCO de GOYA
Nous vous invitons à découvrir à la Pinacothèque de Paris une exposition autour de l’artiste espagnol Goya. Né en 1746 à Saragosse, Francisco de GOYA est un peintre et graveur espagnol. Il a travaillé à la cour et a également réalisé des portraits de toute l’aristocratie. Ces œuvres les plus connues aujourd’hui sont sans nul doute La maja desnuda (musée du Prado à Madrid), le tableau de Charles IV et sa famille (1800) et El tres de Mayo de 1808 qui représente la résistance espagnole. Il meurt à Bordeaux en 1824.
Visites- conférences 13 €, entrée à payer sur place, merci de confirmer votre venue en envoyant un mail d’inscription à alct@free.fr
PUIS de nous adresser un chèque de 13 € par personne à CARNOT-TUNIS MDA 23, rue Vernet 75008 PARIS
Pour ces expositions, inscrivez-vous vite en deux étapes :
1/ mail à alct@free.fr
2/ envoyer un chèque de 13 € par exposition à CARNOT-TUNIS MDA 23, rue Vernet 75008 PARIS

A SAVOIR

Madeleine BERGER BENNACEUR, élue en juin 2009 Conseillère à l’Assemblée des Français de l’Etranger pour la circonscription Tunisie – Libye, a reçu les insignes de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite, le 14 mai. Madeleine, née à Tunis, est ancienne élève du lycée Carnot et responsable de l’association des anciens de Carnot à Tunis. Elle est diplômée de l’Université Paris IX Dauphine (Maîtrise de Sciences de Gestion, DESS Marketing et DEA) et enseigne l’économie et la gestion au lycée Gustave Flaubert à la Marsa . Aujourd’hui Conseillère AFE, elle veille à assurer la défense des intérêts des Français résidant dans ces deux pays.

Dans le cadre du Festival de Cannes , Yamina BENGUIGUI, Ministre déléguée à la francophonie, a remis les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur à FERID BOUGHEDIR, ancien élève du lycée Carnot, célèbre réalisateur d »Un été à la Goulette » et « Halfaouine, l’enfant des terrasses ».
Les enfants de la Tunisie : On les aime, ils nous font rire, animent nos émissions préférées, ou font partie du paysage politique. Ils ont tous en commun un début de vie en Tunisie et une brillante carrière en France ou à l’international. Cliquez sur le lien pour lire l’article paru sur le site du petitjournal.com http://www.lepetitjournal.com/tunis/a-voir-a-faire/84189-enfants-de-tunisie-ils-sont-devenus-celebres-en-france

CARNET

Nous avons la tristesse de vous faire part de la disparition, de Shirine, fille de Foad SABERAN membre du Conseil d’administration de Carnot-Tunis. L’ensemble du bureau lui présente, ainsi qu’à sa famille, nos plus affectueuses pensées.

A VOUS LA PAROLE !

Bonjour aux anciens du lycée Carnot de Tunis ! A propos du décès d’Antoine SCARDAGLI, j’ai connu un SCARDAGLI (un copain de mon frère Maurice PEREZ) ; ils étaient ensemble en mathelem en 1960. Est ce que c’est la même personne ? D’autre part, peut on avoir des nouvelles des anciens élèves de 2A’C 1964-1965? Merci Patrick PEREZ (lc1953-1965) .

J’ai été l’année 1956-1957 un élève de M. REBOUL à Tunis. Je suis maintenant membre de l’Académie des Sciences et je suis conscient de tout ce que je dois à l’enseignement de ce professeur. Je voudrais, ici, exprimer ma reconnaissance pour tout ce qu’a fait M. Reboul. Yves Meyer Académie des Sciences (Paris)
Salut tout le monde je suis une ancienne élève du lycée Carnot de 1970 à 1980 svp si vous me reconnaissez ou si vous avez une photo de classe, envoyez la moi ; merci d’avance ah j’ai oublié une chose importante en ce temps je portais un corset vu que j’avais une scoliose. Rim BEN JAAFAR ZEHANI (alct@free.fr)

J’ai rencontré au cours d’un séjour à Tunis Guy PAOLLILO, prof d’histoire-géo au lycée Carnot que certains ont certainement connu. Il s’occupe depuis de nombreuses années de l’Association Française d’Entraide et de Bienfaisance de Tunisie (SFEB) et fait un travail assez remarquable.
( aide à l’enfance, aide aux familles, aux personnes seules, veuves ou divorcées, aux personnes âgées sous forme de secours permanents, exceptionnels, en nature, prêts, consultations médicales, etc..) . Une visite à notre professeur s’impose lors d’un passage à Tunis : c’est un homme formidable, qui déploie une énergie extraordinaire et qui mérite d’être aidé. Joseph KHAYAT
SFEB 10 RUE FELICIEN CHALAY TUNIS (place Pasteur, direction Mutuelville, 3 eme rue à droite)

J’ai eu la chance d’étudier dans une classe mixte de Sciences Ex. de 1960-1961.
Quatre profs m’ont profondément marqué chacun a sa manière : M. MASSAL, le prof de Sciences Naturelles dont je ne retrouvais plus le nom jusqu’à la rencontre imprévue avec le site du Lycée Carnot. Il gardait précieusement dans le placard de notre classe un électrophone, et de temps à autre, en fin de semaine, il me semble ou en fin de journée, il nous faisait entendre une œuvre de musique classique, recueilli, bien planté sur ses deux jambes, tête rejetée en arrière et yeux fermés. Pour moi élève au conservatoire de Musique a Tunis pendant toute ma scolarité c’était un régal tout a fait inattendu ; surtout après la rigueur et le conformisme du Lycée Armand Fallières ou j’avais été élève les 6 années précédentes.
M. THOMAS, notre charmant prof de maths aux yeux bleus et à la démarche légèrement clopinante, qui nous enseignait cette matière que j’aimais tant a l’époque. Il a, par ses conversations avec ma maman – en fin de scolarité -, influencé très positivement ma vie à l’université l’année suivante.
Puis il y avait les deux compères : notre prof de philo M. BRUN, qui a contré et bouleversé dans nos jeunes tètes une bonne dose des idées liées à notre éducation jusque là , et notre prof de physique, M. GUICHANET, dont un des élèves, Alain SOUSSAN , faisait d’admirables caricatures qui loin de fâcher M. GUICHANET le faisait rire aux éclats. Je retrouve le nom d’un ami oublie, Jean Claude BORELLIi. Il me semble l’avoir croise au début de mes études a Marseille.
Il régnait dans cette classe assez turbulente, une dynamique ambiance d’étude et une dose de liberté qui a fait de cette année là, une année d’études inoubliable et très fructueuse. J’ai perdu de vue tout ce monde et ce morceau de vie. Mais son influence fructueuse a marqué toute ma vie à venir.
Si vous avez d’autres photos, de cette classe de Sces Ex, j’aimerais beaucoup y accéder car je n’en ai aucune, excepté les images et sensations restés dans ma mémoire. Merci pour ce site. Liliane BISMUTH

A LIRE

Vient de paraître en France le dernier roman historique de Hatem El KAROUI : le samedi 30 novembre 1805, le cheikh Slimane MELLAMELLI débarque du navire « USS Congrès » au port d’Hampton Roads dans l’est des États-Unis. Il s’apprête à rencontrer le président Thomas Jefferson pour essayer d’aplanir un litige tuniso-américain délicat, à savoir la saisie par l’US Navy au large du port de Tripoli de navires tunisiens dans le cadre d’un blocus américain du territoire libyen alors que la Régence de Tunis était théoriquement en paix avec les États-Unis d’Amérique.
Avec L’émissaire barbaresque au Nouveau Monde Hatem EL KAROUI nous propose un éclairage intéressant sur un épisode mal connu de l’Histoire.

Karine TUIL fille de notre camarade Gérard TUIL publie, chez Grasset, son dernier livre « l’Invention de nos vies » :Sam Tahar semble tout avoir : la puissance et la gloire au barreau de New York, la fortune et la célébrité médiatique, un « beau mariage »… Mais sa réussite repose sur une imposture. Pour se fabriquer une autre identité en Amérique, il a emprunté les origines juives de son meilleur ami Samuel, écrivain raté qui sombre lentement dans une banlieue française sous tension. Vingt ans plus tôt, la sublime Nina était restée par pitié aux côtés du plus faible. Mais si c était à refaire ? À mi-vie, ces trois comètes se rencontrent à nouveau, et c est la déflagration…

« CARNOT AU COEUR » PAR SLAHEDINNE TLATI

« en 1949, photo des professeurs : M. Tlatli, 1ère rangée, 2ème à droite »
J’étais alors très loin de penser qu’il allait tenir une si grande place dans mon existence et que ces premiers pas scolaires allaient marquer le début d’une amitié de trente sept ans, comme élève d’abord, comme professeur ensuite. Et lorsque je parle d’amitié, c’est  » l’histoire de famille » qu’il faudrait dire, puisque mon père, lui-même, m’avait précédé en ces lieux, avant la première guerre mondiale, comme professeur d’arabe, que j’y ai rencontré mon épouse parmi mes collègues, et que tous mes enfants devaient y faire leur scolarité, plus tard.

En 1924, lorsque j’entrais en 9ème chez M. Fiesqui, dont la barbe grisonnante, taillée en bouc, nous en imposait, le lycée Carnot était dirigé par un personnage quasi mystique, archaïque et flottant dans sa longue redingote, noire, qui n’apparaissait que lors de distributions des prix : C’est M. Duval qui, en tant que proviseur, de 1898 à 1926 fut le véritable fondateur et organisateur du lycée Carnot.

Notre établissement ne compte à cette époque, qu’un millier d’élèves, alors que ce chiffre devait atteindre 2690, en 1939, et dépasser les 3.000 après 1950.C’est que le collège Saint Charles, fondé par le Cardinal Lavigerie, en 1882, au lendemain du protectorat, devenu le lycée Sadiki le 2 novembre 1889 et cédé à cette date à l’Etat tunisien, puis baptisé le 27 septembre 1893, lycée Carnot, pour ne pas être confondu avec le collègue Sadiki, déjà existant, n’avait cessé, depuis lors de s’agrandir et de pousser ses prolongements et ses constructions entre l’avenue de Paris, la rue Guynemer (actuellement rue saif ed-Dawala), la rue de la Loire et enfin vers l’avenue Roustan (actuellement avenue Habib Thameur) où se situe l’aile la plus récente, inaugurée en 1943, prés de laquelle se trouvait à la fin du XlXé siècle la première gare de T.G.M.

Je poursuivais, donc mes études au petit lycée, puis au grand lycée, dans cette ruche laborieuse, où les tunisiens étaient fort peu nombreux, où une discipline très stricte était assurée par un surveillant général, véritable cerbère, terrible et placide, M. Figre, dont le nom seul glaçait les élèves, mais où surtout nous avions la chance d’avoir un corps enseignant de très haut niveau. Ceux qui ont connu cet âge d’or du lycée Carnot ont gardé le souvenir de cette admirable pléiade de grands maîtres dévoués et brillants qui les ont enrichis de leur savoir et de leur méthodologie.

Ainsi par exemple, en philo, l’enseignement – qui était plutôt un dialogue sur le mode socratique – de notre professeur Lubac, m’a profondément marqué. Son physique de vieillard fragile, et son élocution désarticulée et traînante, le desservait grandement auprès de mes camarades. Mais lorsqu’on faisait l’effort de décrypter et de comprendre les propos de ce grand philosophe qui fut l’un des meilleurs disciples de Bergson, on demeurait fasciné par la clarté, la facilité et la puissance de son raisonnement, véhiculé par la lumineuse fluidité de style bergsonien. Ayant obtenu le premier prix chez lui, il tenait à me voir poursuivre études supérieures de philo. Mais mon choix était déjà fait pour l’histoire et la géographie. Un jeune agrégé de terminale, Marcel Calvet, m’avait donné la passion et presque le virus de connaître le vaste monde dans ses profondeurs passés et présentes et je voulus donc, après mon bac, obtenu en 1935, poursuivre l’étude de ces deux matières en France. Mais j’étais le premier Tunisien de mon espèce.

Peyrouton, notre cyclonique résident général, lorsqu’il eut vent de la chose, déclara textuellement : « je ne permettrai jamais à un Tunisien d’enseigner leur histoire à de petits français ». Cela ne changera rien à mon programme, et en octobre 1939, j’étais de retour de France, après des études poursuivies à Montpellier, puis à Paris jusqu’à l’agrégation au collège Sadiki. L’année suivante, je regagnais mes pénates au lycée Carnot pour assurer les mêmes pénates et ce, durant prés de vingt-sept ans.

En consultant le petit opuscule rédigé par mon collègue Marcel Gandolphe en octobre 1943, à l’occasion du cinquantenaire du lycée Carnot, on peut trouver la liste des professeurs. Sur 67 exerçant cette année- là, il n’y avait que cinq Tunisiens : Derouiche et Abed Mzali, pour l’arabe Khmais Hajri, pour l’anglais, Ahmed El Fani, pour la Physique et Tlatli pour l’histoire et géographie. « Photo envoyée par André Navikoff: en classe de 4èmeD avec notre professeur d’histoire et géo M. Slaheddine Tlatli ». La Tunisie sortait alors de six mois de guerre sur son propre sol qui furent particulièrement éprouvants, et le lycée Carnot, au milieu d’une ville en plein désarroi, avait connu les heures difficiles. Plus d’une fois les alertes nous obligeaient à quitter précipitamment la classe pour nous réfugier dans les tranchées. En mars, notre établissement reçut même, de nuit, trois bombes non explosées, dont on ne retrouvera que deux.

Avec mes nombreux collègues, nous avions l’occasion de nous rencontrer, et parfois de nouer des relations amicales, en particulier lors de la réception fort peu protocolaire et même bon enfant qui se tenait au début de chaque année scolaire pour accueillir nos nouveaux compagnons. Mais nous nous retrouvions aussi quotidiennement dans la salle des professeurs, ainsi que dans les conseils de classe au lorsque nous faisons passer les épreuves du bac. On pouvait distinguer parmi eux d’éminentes figures, comme celles de ce fin lettré qu’était Georges Démoulin, de ce grand physicien, notre ami Jean Debisse, qui devait prendre par la suite, la direction de Saclay, de ce fameux et filiforme mathématicien qu’était Henri Chalet, de cet historien bien connu, Jean Caniage, dont la thèse sur « les origines du Protectorat;#1524; devait le conduire bientôt en Sorbonne, de ce géographe koch, dont la thèse sur ;#1524; l’extrême Sud Tunisien;#1524; devait faire autorité, et de bien d’autres encore.

Par la suite, parmi les nouveaux collègues. Je fus heureux de retrouver deux de mes anciens élèves de Sadiki, Chedli Klibi et Mustapha Fiali, qui devaient faire une brillante carrière politique.

Il faudrait tout un livre pour évoquer toutes ces belles années de Carnot, passées dans une ambiance de labeur enthousiaste et d’émulation tonifiante. Car nous avions tous à cœur de pousser nos meilleurs poulains qui, par leurs succès au concours général et aux concours d’entrée aux grandes écoles de France faisant honneur à notre établissement et lui permettaient de se placer parmi les meilleurs lycées de France.

Mais on ne saurait terminer ces quelques lignes sans rappeler ce qui faisait le plus honneur à Carnot, cet esprit que nous tenions d’inculquer à nos élèves, en filigrane à travers notre enseignement et notre comportement et qui pouvait s’exprimer par un attachement tenace à certaines valeurs humanistes essentielles, comme celles de libertés fondamentales, du respect de la personne humaine et de sa dignité, et surtout de la tolérance, comme le rappelait Edgar Pisani et comme le déclarait, si parfaitement Philippe Séguin, lorsqu’il disait : « c’est au lycée Carnot en Tunisie, que j’ai appris la tolérance ». Car dans ce creuset tunisois où se sont toujours mêlées les races et les religions, «l’esprit Carnot » apparaissait comme l’antidote aux poisons de la haine et du racisme.

Et c’est pourquoi, aujourd’hui, où tant de valeurs sacrées sont foulées aux pieds sous nos yeux, où un peu partout on oublie le mot de Rabelais : «science sans conscience n’est que ruine de l’âme », la célébration de centenaire de notre lycée revêt tout son sens symbolique : celui d’une féconde et prestigieuse pépinière où des hommes de savoir et de bonne volonté ont consacré une partie de leur existence à semer le bon grain qui fait la grandeur de l’homme. Et ces semeurs ont la conscience tranquille de ne l’avoir pas fait en vain».

Slahedinne TLATIEn hommage à M. Slaheddine TLATI, ancien élève et professeur d’histoire et géo, disparu le 3 janvier 2009, nous publions le témoignage qu’il avait écrit à l’occasion du centenaire du Lycée Carnot (article paru dans «La presse » du 25/04/1993) :  » Lorsque j’ai connu le lycée Carnot de Tunis en 1924, il avait trente-et-un ans et j’en avais huit.

DANS « JEUNE AFRIQUE » DU 28/4/08: TRES COTES, TRES COUTEUX LES LYCEES FR DE TUNIS

Tous ont encore en mémoire des fous rires et moments d’insouciance passés dans les cours ensoleillées des lycées français de Tunisie. « Ce sont mes plus belles années. Le lycée Carnot de Tunis était un lieu d’enseignement privilégié. Juifs, chrétiens ou musulmans, nous étions tous comme des frères », se souvient Hamed Ben CHEDLY, aujourd’hui médecin à La Marsa, dans la douce banlieue nord de Tunis. « C’était le temps des boums du samedi soir, des soirées guitare, de la préparation des examens, de la solidarité et de la fraternité entre différentes communautés », ajoute une ancienne élève du même établissement.
Philippe Séguin, l’actuel président de la Cour des comptes française et ancien élève du lycée Carnot, explique cette ambiance particulière : « Il y avait des Français, des Siciliens, des Juifs, des Arabes, des Maltais, etc. Aujourd’hui, cette relation entre gens issus de ces lycées va au-delà de tous les clivages politiques, religieux et nationaux. Nous partageons des souvenirs et des références qui sont, en fin de compte, des valeurs communes. »
Certains de ces adolescents qui ont grandi ensemble sont devenus aujourd’hui d’éminentes personnalités. Habib Bourguiba, ancien président de la République tunisienne, Ferid Boughedir, cinéaste tunisien, Georges Wolinski, dessinateur, ou encore Michel Boujenah, comédien et humoriste, ont tous usé leurs fonds de culotte sur les bancs du lycée Carnot. Pendant un siècle (1882-1983), cet établissement a accueilli des milliers d’élèves issus du pourtour méditerranéen avant d’être intégré au système éducatif tunisien, et de devenir le lycée pilote Bourguiba.

LA MISSION FRANCAISE PLEBISICITEE
Actuellement, il existe en Tunisie deux lycées français : le lycée Pierre-Mendès-France dans le quartier tunisois de Mutuelleville, et le lycée Gustave-Flaubert, à La Marsa, plus connu sous le nom de « lycée Cailloux ». Tous deux dépendent de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) et sont intégrés au réseau des 430 lycées français disséminés à travers le monde. Tous ces établissements ont en commun les mêmes méthodes et des programmes similaires, élaborés par le ministère de l’Éducation nationale français.
À l’origine, ces lycées ont été mis en place pour scolariser les enfants des expatriés, mais aussi, et surtout, pour former dans les pays colonisés ou sous protectorat, une intelligentsia locale favorable à la France. « Les lycées français à l’étranger constituent un atout majeur pour la francophonie et pour l’influence de nos idées, de nos valeurs et de notre culture dans le monde, affirme-t-on au ministère des Affaires étrangères français. Les étudiants étrangers issus de ces établissements seront susceptibles de devenir des interlocuteurs précieux dans le cadre des responsabilités qu’ils assureront plus tard. C’est particulièrement vrai pour la Tunisie, pays avec lequel nous avons toujours des relations très étroites. » En clair, ces lycées sont de véritables pépinières pour futures élites francophones.
Aujourd’hui, leurs élèves sont pour une grande majorité des nationaux francophones, auxquels s’ajoutent un certain nombre de binationaux et quelques étrangers. La mission première de ces lycées est d’assurer la continuité du service public français à l’étranger afin que tout élève français puisse poursuivre une scolarité classique en Tunisie. Mais, compte tenu de la proportion des nationaux (plus de 60 %) dans les effectifs, ces établissements jouent de plus en plus un rôle d’interface entre la France et le pays d’accueil (apprentissage obligatoire de la langue, diplômes binationaux, activités culturelles, etc.). Leur objectif est donc de prodiguer un enseignement de qualité et en parfaite adéquation avec les programmes pédagogiques en vigueur en France.
Un système qui attire de plus en plus les Tunisiens. Pour l’année scolaire en cours, plus de 3 000 élèves sont inscrits dans un établissement français de la sixième à la terminale, dont 1 630 au lycée Pierre-Mendès-France et 1 500 élèves au lycée Gustave-Flaubert. « J’ai fait le choix d’inscrire mes trois filles au lycée Gustave-Flaubert et j’en suis ravie, explique Latifa, 56 ans, comptable. Elles ont une bonne culture générale et font preuve d’imagination et d’esprit d’initiative. Le melting-pot de ces lycées français est une vraie chance pour elles. C’est un passeport pour la modernité. »
Les parents, souvent issus eux-mêmes d’un établissement français, voient dans cette scolarité un accès plus facile à des études supérieures à l’étranger, et plus particulièrement en France. « J’ai fait mes classes au lycée Carnot de Tunis et j’ai préféré inscrire mon garçon à la Mission française afin qu’il puisse plus tard poursuivre ses études universitaires en France. Soyons honnêtes : avec le durcissement des conditions d’obtention d’un visa pour l’Hexagone, un élève issu d’un lycée français a plus de chances d’intégrer une faculté française qu’un élève du système local tunisien », confie Rafik, industriel dans la région de Sfax. Ainsi, en 2007, 65 % des élèves ayant obtenu leur baccalauréat au lycée Gustave-Flaubert ont choisi de poursuivre leurs études universitaires dans un établissement français et seuls 18 % ont opté pour un établissement local. Autre avantage non négligeable des lycées français, le renforcement récent de l’enseignement de l’arabe. « Le bon niveau de la langue arabe m’a encouragée à y scolariser mon fils. Aujourd’hui, il est aussi à l’aise en français qu’en arabe. C’est un atout de taille », explique Karima, femme au foyer.

GRATUITE POUR LES FRANCAIS
Mais tout le monde n’a pas si facilement accès aux lycées français, loin s’en faut. Avec des frais de scolarité annuels de 1 400 DT (777 euros) pour le premier cycle et de 1 800 DT (1 000 euros) pour le deuxième cycle, nombreux sont les parents qui n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants à la Mission française. Seule une élite fortunée peut offrir ce type de cursus à ses enfants. D’ailleurs, les élèves sont issus, pour l’essentiel, de la bourgeoisie commerçante et industrielle, ou de familles dont les parents exercent des responsabilités politiques ou une profession libérale. « Il est impossible pour nous de payer des frais de scolarité aussi élevés, confie le couple Trad, tous deux cadres moyens dans une banque de Tunis. Nos salaires réunis ne suffisent pas pour inscrire nos deux enfants dans un lycée français. Alors nous avons opté pour un lycée local et, finalement, tout se passe très bien. Même si, au fond, nous regrettons la Mission française. » Il est normal de payer des frais de scolarité, « mais à ce niveau-là, seuls les privilégiés y ont accès », peste un autre parent d’élève. Ces droits d’inscription, souvent prohibitifs et inaccessibles pour une grande partie de la population, financent le budget de fonctionnement des établissements ainsi qu’une partie des salaires des professeurs recrutés sur place.
Jusqu’à une date récente, les nationaux et les élèves français payaient les mêmes montants en frais de scolarité. La situation ne devrait plus durer puisque la gratuité pour les expatriés était l’une des promesses de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle. Le 28 février 2007, ce dernier déclarait, devant un parterre d’expatriés réunis au Palais des congrès de la capitale espagnole, vouloir que « les Français de Madrid, de New York, de Tokyo, de Shanghai, de New Delhi ou de Tunis ne se sentent pas abandonnés mais, qu’au contraire, ils aient le sentiment que la France ne les oublie pas ». Un message qu’il a d’ailleurs répété un mois plus tard. La baisse des coûts de scolarité était, en effet, une vieille revendication des Français de l’étranger. Cette réforme s’appliquera dans le monde entier. Premières à en bénéficier : les classes de terminale, dont les frais de scolarité devraient être remboursés dès cette année aux parents d’élèves français. Les classes de première et de seconde profiteront de mesures équivalentes lors des prochaines rentrées. Mais, pendant ce temps, les nationaux continueront de payer le prix fort. Se former à l’école française restera donc encore longtemps un rêve que seuls les enfants de l’élite pourront concrétiser.
L’aura des lycées français reste forte. Même si, compte tenu des frais de scolarité élevés, les deux établissements existants en Tunisie apparaissent de plus en plus sélectifs.
Célèbres ou anonymes, les anciens de ce qu’on appelle communément la « Mission française » en parlent souvent la larme à l’œil.

Cadeau de Claude RIZZO pour l’an nouveau : une histoire inspirée par celle de sa famille

La honte était parvenue à vaincre sa terreur de l’enfer. Dieu comprenait sans doute la détresse qui le poussait au parjure. L’un des souliers de sa dernière paire s’était ouvert comme une figue trop mûre. Sa chemise partait en lambeaux et ses pantalons ne semblaient pas en meilleur état.
— Tu lui diras la vérité, lui conseilla sa mère. Sur cette île, nous ne sommes pas les seuls à manquer de tout, même de nourriture.
Putain de misère ! L’Archipel maltais connaissait sa troisième année de sécheresse. La terre, brûlée par le soleil et le sirocco, s’ouvrait de crevasses larges comme le poing. Les denrées devenaient un luxe que seuls les Anglais pouvaient encore s’offrir. Une garnison de quinze mille hommes, les fonctionnaires et leur famille qu’il fallait nourrir : les Britishs raflaient le peu que l’île produisait encore, précipitant la population dans la famine.
Face à la calamité, certains Maltais osaient chuchoter, imaginant que l’on pourrait importer quelques sacs de blé français. Ces messieurs leur riaient au visage. L’Empire britannique s’en remettant à la France pour approvisionner ses colonies. Fallait-il être maltais pour imaginer une telle humiliation.
— Je crois bien que je vais y aller, annonça Paul Caruana sans bouger d’un pouce.
Il eut un regard par la fenêtre ouverte. Le troupeau s’était rassemblé au bout du champ. Plus rien à brouter, deux chèvres étaient mortes en quelques semaines et les survivantes ne donnaient plus de lait.
Paul passait désormais ses journées dans la crique voisine. La vingtaine de minuscules poissons de roche, une paire de mulets, une dorade les jours de chance, représentaient bien souvent leur seul repas.
Caruana finit par se lever et sortit.

— La lettre vient de ton frère, annonça le capelan après avoir ouvert l’enveloppe.
— De Gaëtano, vous en êtes sûr ?
Paul n’en revenait pas. Il vivait dans la certitude qu’il n’entendrait plus parler de son aîné. Celui-ci avait passé des semaines sur le port de La Valette, dormant sur les quais dans l’espoir d’être embauché sur l’un des navires faisant escale sur l’île. Il avait de toute évidence réussi son coup malgré la concurrence. Ils étaient des milliers à rêver de départ vers des terres hospitalières où les enfants n’auraient plus jamais faim. Un sixième de la population se préparait en effet à quitter le pays de ses ancêtres. Ces hommes, ces femmes, allaient ainsi engendrer la plus importante émigration en pourcentage que le monde n’ait jamais connue.
— Où est-il en ce moment ? demanda Paul.
Le curé se signa avant de répondre :
— À Tunis, chez les Barbaresques.
Un nom rappelant à lui seul la terreur aux couleurs de l’enfer qui fut imposée aux habitants de l’archipel durant des siècles. La guerre de course connaissait alors de beaux jours. Corsaires de Tunis et d’Alger, Chevaliers de Malte, se rendaient la politesse dans des razzias où les populations capturées finissaient sous le joug de l’esclavage. Ces visites croisées appartenaient désormais au passé. La France avait occupé l’Algérie. La Royal Navy veillait sur le sommeil des ayants droit de son Empire. Et il est prouvé que l’on dort bien mieux le ventre vide.
— D’après ce qu’il raconte, ajouta le capelan, la vie est plus facile chez les païens pour les hommes qui n’ont pas peur du travail. Il vous propose, à ta mère et à toi, d’aller le retrouver. Il te demande aussi d’amener tes chèvres. Il paraît que les gens de là-bas apprécient le lait des chèvres maltaises.
Le curé hocha la tête.
— Je serais bien étonné qu’un mahométan puisse faire la différence entre le lait de chèvre et celui de brebis. Bon, je continue. Il attend ta réponse. Si vous donnez votre accord, il enverra quelqu’un vous chercher d’ici quelques semaines. Il faudra vous tenir prêts à tout moment. Le bateau ne pourra pas vous attendre. Il finit en disant qu’il fera son affaire du coût de la traversée et qu’il vous embrasse.
Le prêtre remit la page de papier quadrillé dans l’enveloppe.
— Si tu veux, je t’écrirai la réponse.
— Merci mon père ! Je réfléchis avec ma mère et je vous dirai, répondit Paul en se levant.
— Et n’ai pas honte de venir à la messe le dimanche, lui dit encore le prêtre en le raccompagnant. Je te rassure. La moitié des paroissiens qui assistent aux offices n’ont plus de chaussures.

Le sujet occupa désormais la plupart de leurs échanges. Mme veuve Caruana percevait dans cette opportunité une chance à ne pas laisser passer. Jamais elle n’envisagea toutefois de faire partie du voyage. Le bout de son chemin se trouvait ici, près de son époux, dans le petit cimetière bordant l’église paroissiale.
Paul décida alors de classer le projet dans le tiroir des affaires sans suite. Il se préparait à rendre une nouvelle visite au capelan quand sa mère revint à la charge.
— Tout est arrangé, lui dit-elle. Tu n’as plus à te soucier de moi. J’irai vivre chez ta sœur Fiona. Son mari est d’accord pour m’héberger. Il te demande seulement de lui donner quatre chèvres avant de partir.

Paul s’éveilla en sursaut. On frappait à la porte sans ménagement.
— Tu as une demi-heure pour te préparer et réunir tes bêtes, annonça l’un des deux visiteurs dans un maltais chancelant. Le bateau est ancré dans Saint George’s Bay. Départ dans deux heures.
— Comme ça, en pleine nuit ?
L’autre eut un sourire.
— Hé oui, c’est ainsi, notre métier se pratique plutôt de nuit.
— Et quel est votre métier ?
— Le même que celui de ton frère Gaëtano et de bien des Maltais de Tunisie. C’est une sorte d’import-export où les échanges se font bien plus dans les criques isolées que dans les grands ports. Tu vois ce que je veux dire ?
Non, Caruana ne voyait pas. Mais l’instant se prêtait peu aux éclaircissements. Le temps de serrer sa mère contre lui, de sortir les chèvres de la bergerie, Paul Caruana quittait Ghar Dalam, le village de ses ancêtres. Deux heures plus tard, son île disparaissait dans les brumes de la nuit. Il ne devait plus jamais y revenir.

Tunis 1846.

Camerla Caruana attela son bouc à la petite charrette imaginée et conçue par son époux. Elle installa Fifine au premier étage, l’impériale en quelque sorte, capitonnée d’un vieil édredon et garnie d’un parapluie à l’usage de toutes les saisons.
Le nourrisson ouvrit les yeux, sourit à sa mère et se rendormit. Camerla lui passa la main sur le visage dans une tendre caresse.
— C’est l’heure de ta promenade, lui dit-elle en chargeant un arrosoir et une éponge destinés à nettoyer le pis de ses bêtes.
Le troupeau se mit en marche. Le bouc, sérieux comme un officier de l’armée des Indes, gardait ses distances, avançant à deux pas derrière sa patronne sans jamais se laisser distraire par les trognons de légumes et les papiers gras parfumés par les restes de gâteux au miel.
— Aïa, aïa ! Mourou, mourou ! criait Camerla, prolongeant ses appels d’un sifflement inimitable, connu dans tout le quartier franc et dans les moindres ruelles de la Médina.
Les premiers clients sortaient sur le pas de la porte, provoquant un affrontement général. Les chèvres perdaient alors leur flegme, se distribuant maints coups de corne dans leur désir de se présenter en tête devant Camerla. Leurs mamelles traînaient au sol, battaient leurs pattes et les faisaient souffrir. Leur combat était celui de la liberté.

Paul Caruana quitta l’église Sainte Croix. Assis sur les marches, il enleva ses chaussures, noua les lacets et les posa ainsi sur son épaule. Un geste guidé par un souci d’économie qui ne le quittait pas malgré les trois pièces d’or que son travail et celui de son épouse leur avaient rapportées.
Le curé, un Italien du Nord, blond comme un ange du Paradis, sortit à son tour et vint s’asseoir à ses côtés.
— Paolo, lui dit-il, je voudrais te donner un conseil. Et je pense qu’il serait sage que tu le prennes au sérieux. Vois-tu, je crois qu’il est temps que ton fils Nazzareno fréquente l’école italienne.
Caruana hocha la tête. L’idée lui paraissait plus que saugrenue.
— À l’école, mais pour quoi faire, mon père ? demanda-t-il.
— Pour apprendre à lire et à écrire. Mais aussi pour parler un bon italien. Vous savez que vous, les Maltais de Tunisie, vous êtes destinés à devenir italiens un jour ou l’autre. Et je pense que c’est là le désir de la majorité d’entre vous.
Paul ne pouvait nier que le prêtre avait raison. Les quelques milliers de Maltais vivant à Tunis subissaient de plus en plus l’influence italienne, seule communauté européenne organisée, défendue par une ambassade puissante et active.
Malte, n’étant pas considérée comme une nation, ses habitants ne pouvaient prétendre à aucune citoyenneté. Une époque où la loi tunisienne imposait aux consulats européens de prendre en charge leurs ressortissants. Mais où caser ces Maltais devenus bien encombrants ? L’ambassade du Royaume-Uni, sur la demande présente du Bey, fut contrainte de reconnaître leur existence. Et les voici sujets de l’Empire britannique ou éléments anglo-maltais suivant l’humeur d’un secrétaire de service.
Une décision qui n’en fit pas des Anglais pour autant. Le seul chemin qui s’ouvrait devant eux les dirigeait vers la nationalité italienne. Toute l’organisation de la vie quotidienne les y invitait : la paroisse Sainte-Croix sur laquelle régnait un clergé italien, les journaux, les écoles, l’île de Malte qui se perdait dans les souvenirs, les mariages mixtes et la volonté légitime d’appartenir à une nation prête à les reconnaître comme citoyens à part entière.
— Je parle l’arabe, le maltais et l’italien, fit remarquer Caruana. Et pourtant, je ne suis jamais allé à l’école.
Le prêtre eut un sourire.
— Il est question de l’italien, du vrai, pas du charabia sicilien que j’entends ici tous les jours, et auquel j’ai dû m’adapter pour me faire comprendre.
Caruana promit de réfléchir. Dix minutes plus tard, se promenant dans la Médina, il avait oublié le prêtre et sa drôle d’idée.
Paul ne pouvait se lasser du spectacle que lui offraient les marchés de Tunis. Il devait bien admettre qu’Allah pouvait se montrer plus généreux que le Christ quelquefois. Des montagnes d’agrumes, un jardin potager béni des dieux, des pastèques qu’un seul homme ne pouvait porter, des dizaines de boucheries proposant des agneaux enlevés à leur mère et des moutons à la chair ferme et odorante suivant les goûts. Des marchés vivants, bruyants, animés par des orchestres de rues, des diseuses de bonne aventure et des charmeurs de serpents. Des marchés où l’odorat était assailli à chaque instant : coriandre, clou de girofle, tebelcarouia, camoun, se mélangeaient dans des bouquets qui n’appartenaient qu’à l’Orient.
Caruana constata à nouveau que la Tunisie l’avait capturé. Il aimait ce pays et tous les êtres qui le partageaient : Arabes, Juifs, Siciliens et Maltais. Il en était à présent certain. C’est sur cette terre qu’il voulait mourir.
Paul retrouva son fondouk du quartier franc, le seul où les chrétiens étaient en droit de résider.
Des pièces l’une dans l’autre ouvraient sur une cour aux allures d’arche de Noé. Les cochons, volailles et chèvres des locataires partageaient l’espace avec les ânes des Tunisiens en visite à la Médina et les chameaux de tribus nomades résidant en ville le temps de vendre les produits de leur artisanat.
Là, s’entassaient une trentaine de familles maltaises, parmi les immondices, dans le doux parfum du fumier et des ordures. Et quand le temps se mettait à l’orage, lorsque ces tornades propres à la Méditerranée arrosaient la ville, leur arrivait alors tout ce que l’eau charriait avec elle. Le quartier franc méritait bien son titre d’égout de Tunis.

Tunis 1862.

On enterrait ce jour-là Paul Caruana, emporté par l’épidémie de typhoïde qui avait eu comme effet d’élaguer le quartier franc et de libérer ainsi quelques places pour de nouveaux immigrants. Le flot des miséreux arrivant de Sicile et de Malte n’était pas près de se tarir. Sans cette loi beylicale absurde, les contraignant à s’entasser dans le cloaque de la ville, leur existence aurait eu un goût de miel. Ce pays ne comptait en effet que dix-sept habitants au kilomètre carré. L’archipel maltais en dénombrait plus de six cents.

Tunis 1881.

Nazzareno Caruana était arrivé deux bonnes heures avant le début du défilé. La foule des grands jours se pressait le long de la Promenade de la Mer. Les Tunisiens étaient venus en nombre, voulant sans doute célébrer l’arrivée d’une civilisation éclairée qui les sortirait enfin de leur Moyen-Âge. Les juifs paraissaient plus sceptiques. Ils jugeraient sur pièce, l’Histoire leur ayant enseigné que ses vicissitudes les désignaient bien souvent comme bouc émissaire.
Caruana, lui, était là pour jouir d’un spectacle gratuit. L’événement ne semblait pas de nature à changer le cours de son existence. La France, à cette époque, offrait aux Maltais une image trouble et mitigée. Ces derniers n’avaient pas oublié le passage de Bonaparte et de ses soudards sur leur île. Les soldats de la Révolution, portant dans leurs bagages l’utopie de la liberté, furent accueillis comme des libérateurs. Ils sonnaient le glas du règne des Chevaliers, maîtres de l’Archipel depuis 1530. Dix-huit mois plus tard, les habitants se révoltaient contre ces envahisseurs hautains et pillards de surcroît. Les Anglais les avaient aidés à renvoyer chez eux ces visiteurs encombrants. Ils devaient oublier de quitter l’île une fois leur généreuse mission accomplie. L’image de la France retrouvait quelques couleurs avec la prise d’Alger, ce nid de pirates coupable de bien des razzias durant des siècles. Une nouvelle rencontre entre Français et Maltais s’annonçait. Allait-elle déboucher sur le pire ou le meilleur ?
Les Italiens s’étaient enfermés chez eux. Cette journée représentait à leurs yeux une bien lourde défaite. La France venait en effet de leur chiper une place que l’Histoire semblait leur avoir réservée.
Nazzareno Caruana se moquait bien en cet instant de toutes ces tribulations politiques. Privé de citoyenneté, il n’était mû par aucun sentiment national. Il appartenait à la tribu des Maltais de Tunis : c’était bien là son seul drapeau. Même l’île de ses ancêtres se perdait dans les souvenirs. La dernière lettre remontait à dix ans. Elle lui annonçait la mort de sa grand-mère et ouvrait ainsi le livre de l’oubli.
L’on entendit enfin la musique. La grande et belle armée coloniale remontait le Boulevard de la Mer. Une heure de spectacle haut en couleurs durant laquelle la France montra ses muscles. La Tunisie n’avait pas choisi sa puissance protectrice par hasard. Et les insurgés du Centre et du Sud ne semblaient pas avoir compris que l’on venait de leur offrir mille ans de bonheur et de prospérité.
Caruana retrouva les trois pièces de son fondouk où s’entassait la marmaille. Pris par le quotidien, il oublia la France et son Protectorat. L’événement ne paraissait pas de nature à changer le cours de son destin.

Tunis 1920.

Lazare Caruana arrêta son araba face au 56 rue de la Verdure. Il quitta sa charrette, flatta la croupe de son anglo-arabe dans une caresse de père.
Le cheval venait d’entrer dans l’existence des Caruana du fondouk de la rue Sidi Kadous. Il écrivait ainsi la première page d’une épopée riche de plusieurs volumes.
Rachid Boussen l’attendait. Il servit le thé, puis ouvrit le propos par maints salamalecs comme il se doit avant de parler affaire.
— Pourquoi la majorité des Maltais choisissent-ils ce quartier pour s’y installer ? demanda-t-il ensuite.
— Parce qu’ils veulent rester ensemble, répondit Lazare sans hésiter. Et maintenant, ici, nous avons notre église et notre cimetière.
Avec l’arrivée de la France, Tunis sortait de ses murailles et connaissait une expansion sans précédent. La ville nouvelle avait choisi son camp. Elle devait faire de Tunis la cité la plus européenne d’Afrique du Nord.
Les Maltais, un suivant l’autre, s’étaient installés dans le quartier de Bab el-Khadra, donnant ainsi leur nom à quelques rues des environs : rue Malta Srira, rue des Maltais, rue de la Valette.
Chaque jour voyait s’ouvrir de nouveaux chantiers, au grand bénéfice de la communauté italienne. Cette dernière conservait pourtant toute son animosité à l’endroit de la France, rêvant d’un renversement de situation qui ferait de la Tunisie une colonie transalpine.
Lazare Caruana avait perçu qu’il pouvait tirer profit de cette manne inespérée. Il avait ainsi investi les quelques sous que lui avait laissés son père dans une charrette et un cheval solide et résistant. Transporteur de matériaux de construction, il travaillait douze heures par jour et six jours par semaine.
— Et ça te gène de vendre tes terrains aux Maltais ? demanda-t-il en retrouvant Rachid Boussen.
Le Tunisien eut un geste de la tête. Le sujet éveillait chez lui des sentiments contradictoires. Des champs où ne poussaient que des melons, devenus grâce à la France de véritables pépites d’or. Mais la France avait fait de lui un colonisé. Sans doute le colonisé le plus riche du quartier. À combien toutefois peut-on chiffrer l’estime de soi ?
— Tout compte fait, je préfère les vendre à des Maltais, qui parlent presque tous arabe, qui vivent comme nous et que nous considérons un peu comme nos cousins. Et en plus, ils appellent leur dieu chrétien Allah.
— Ce n’est pas un exploit pour nous de parler arabe. Nos langues se ressemblent et nous sommes presque voisins.
Lazare pratiquait aussi le sicilien commun aux quartiers populaires. Le français lui posait par contre bien plus de problèmes. Cette langue s’imposait pourtant un peu plus chaque jour. Et la parler comme il se doit vous distinguait son homme. Aussi, comme bien des membres de la communauté, Lazare avait décidé d’envoyer ses enfants à l’école des Français.
— Alors, à combien tu me le fais ce bout de terrain ? demanda-t-il.
Rachid Boussen annonça un prix.
— Al Madona ! s’écria Caruana en levant les bras au ciel. Encore heureux que tu me considères comme ton cousin, sinon, tu me prendrais même mon pantalon.
Le Tunisien eut un sourire. On disait des Maltais qu’ils avaient hérité du sens des affaires des Phéniciens, le premier envahisseur de l’île, et celui qui avait sans doute forgé la mentalité de ses habitants.
Deux heures de négociation à la mode orientale, sourire aux lèvres, sans jamais quitter sa bonne humeur. Retrouvant son araba, Lazare Caruana avait acquis quatre ares de terrain, situés sur la place de Bab el-Khadra, avec une vue imprenable sur le cimetière musulman. Il venait de pénétrer dans le monde très fermé des capitalistes. Ne lui restait plus qu’à devenir colonialiste.

Tunis 1921.

Le Français est un être casanier, attaché au clocher de son village. La France enregistre dès lors un échec dans sa volonté de peupler son empire à partir d’éléments venus de la métropole.
En Tunisie, le péril italien continue à inquiéter le Ministre résident. La France manque de citoyens à opposer au groupe italo-sicilien. Qu’à cela ne tienne, elle va en rechercher dans le stock que la colonisation a mis à sa disposition.
Lazare Caruana s’endormit au soir du 7 novembre 1921. Il portait en cet instant le titre peu glorieux d’élément anglo-maltais ; sous-produit de l’Empire britannique en d’autres mots. Drôle d’Anglais à vrai dire, bien incapable de dire bonjour et au revoir dans sa langue. Il s’éveilla au matin du 8 novembre. Le Bey venait de signer le décret qu’on lui présentait, attestant que tout Maltais né dans la Régence devenait français, avec, pour les jeunes, la possibilité de renoncer à cette disposition à leur majorité. Et le voici désormais citoyen de la grande puissance coloniale. Drôle de français en réalité, à peine capable de dire bonjour et au revoir dans sa langue.
Cinq mille six cents Maltais venaient ainsi de changer de nationalité sans que l’on eût l’idée de leur demander leur avis. C’était toutefois sans compter sur la réaction de l’Angleterre. Le consul de ce pays se découvrit une affection soudaine pour ces « sujets » dont on venait de le priver. Une tendresse où le sentiment anti-français joua sans doute un rôle essentiel. L’affaire fit grand bruit. Et la Cour de justice internationale eut à trancher le différend. La France fut ainsi condamnée à restituer ces naturalisés d’office à la Grande-Bretagne.
Caruana, après avoir goûté aux bienfaits du colonialisme, se retrouva à nouveau dans le camp des colonisés. L’Angleterre eut alors la bonne idée de faire sien sept mille Allemands du Sud-Ouest africain. À chacun ses naturalisés d’office. Britanniques et Français finirent par s’entendre sur ce point. Et Lazare, en balle de ping-pong, reprit sa place dans le camp tricolore.
Mais quel était donc l’état d’esprit de ces Français de la statistique ? Question posée à Caruana, voilà ce qu’il serait sorti de son propos. Des remarques en maltais comme il se doit. Ce dernier n’ayant pas reçu, avec sa carte d’identité toute neuve, le mode d’emploi complet de la langue de Molière.
Sans doute était-il fier d’appartenir à présent à la communauté dominante. Et les perspectives d’un avenir français lui paraissait une chance pour ses enfants. Il ne pouvait malgré tout se défendre contre un sentiment de frustration. On venait en effet de rompre les derniers liens qui le reliaient à l’île de ses ancêtres. D’autre part, il se méfiait un peu de ces Français, des hommes sans Dieu et des anticléricaux. « Attenter à la nationalité, c’est attenter au christianisme », avait dit son curé. Et Caruana pensait qu’il devait avoir raison. Même si, en temps qu’Italien, il reconnaissait que le prêtre ne portait la France dans son cœur.

M. Paul Cambon, Ministre résident, perçut le danger que représentait la propagande du clergé italien auprès de ses néo-naturalisés.
Le cardinal Lavigerie entra alors en fonction. Le Primat d’Afrique apparaissait comme un grand ami de Malte. Un titre que lui avait valu son intervention sur l’île au cours d’une épidémie de choléra.
Le nouveau clergé se considérait au service de la politique coloniale de sa patrie. Il était appelé à remplacer les prêtres italiens, invités à rentrer chez eux.
Et ce fut à des vicaires maltais, amis de la France, que l’on confia l’une des nouvelles paroisses, celle du Sacré Cœur, située au centre du quartier maltais de Bab el-Khadra. Une église qui deviendrait celle de la communauté. La plus matinale de Tunis. Elle proposerait en effet une messe à cinq heures du matin. « La messe des cochers. » Un office que Lazare Caruana ne devait jamais manquer avant de commencer sa journée de travail.

Tunis 1948.

Jean Caruana n’avait jamais eu besoin de réveil-matin pour se lever. À quatre heures, déjà dans son écurie, il étrillait et nourrissait son compagnon de travail avant de bichonner sa calèche. Puis, sans éveiller sa femme et ses gosses qui dormaient dans les trois pièces situées au-dessus de l’écurie, il déjeunait d’un bol de café noir, d’un oignon cru et de quelques sardines.
Le temps d’écouter la messe des cochers, Jean venait prendre place dans la file des karrozzins qui attendaient leurs premiers clients devant le café Borg.

Ce matin-là, Jean Caruana connaissait une anxiété peu courante chez les Maltais ; des êtres placides et un brin fatalistes.
Alfred Sammut, son ami de toujours, buvait un verre de café au lait quand il entra dans le bar.
— Il est reçu, lui annonça celui-ci dans un sourire en lui tendant la Dépêche Tunisienne. Regarde, c’est là !
Jean lisait le français en déchiffrant chaque syllabe. « Robert Caruana », ânonna-t-il. Pas de doute. Son aîné était admis en sixième au lycée Carnot.
— Celui-là, il ne fera pas le cocher. Je peux déjà le prédire, affirma-t-il ensuite du haut de son orgueil.
Le destin de son aîné le conduirait un jour à travailler dans un bureau ou dans une banque. Et si la chance voulait bien lui sourire, peut-être deviendrait-il fonctionnaire chez les Français, avec une villa à Mutuelleville et des costumes de mariage pour toute la semaine.

Tunis 1956.

La pièce est jouée. Le rideau tombe sur les cris de joie des vainqueurs et le désespoir des cocus de la farce. Les grands décident du destin des nations. Le petit peuple est invité à payer l’addition.
« Les colonialistes à la mer ! » hurlent Mohamed et Ali sous les fenêtres de leurs voisins : David, Salvatore et Carmelo. Robert Caruana voudrait leur répondre, leur rappeler qu’ils sont cousins, presque frères. Mais dans quelle langue le leur dire ? Oubliés l’arabe, l’italien, le maltais, il n’a plus que le français et des rudiments d’anglais pour s’exprimer. Alors il se tait. Qu’il le veuille ou non, il est français. Et d’ailleurs il le veut. Il le revendique même. Il est français de Tunisie, d’origine maltaise. Et croit pouvoir le rester, ne voulant rien rejeter de cette chakchouka d’influences qui compose son identité.
Robert Caruana bâtira sa vie ici, sous les lois tunisiennes. Les Maltais en ont vu d’autres tout au long de l’Histoire.

Tunis -Marseille 1961.

Jean Caruana a décidé de jeter l’éponge. Voilà des mois que ses journées de travail ne lui permettent plus de payer l’avoine de ses chevaux. Et la Mairie de Tunis vient de rejeter sa demande. Habib Bourguiba lui refuse de trahir le métier de son père en conduisant un taxi.
La misère, à nouveau, pousse les Caruana à l’exil. Jean rêve un instant de retrouver l’île de ses ancêtres. Robert, son aîné, ne partage pas cet avis. Seul un départ sur les terres de France leur offrira un avenir porteur de promesses. Un départ et une découverte à la fois. Pour les Caruana de cette branche, à l’image de bien des familles de ces néo-Français, la Mère Patrie reste un concept flou, peuplé de quelques images de cartes postales.
La Tunisie leur montre la sortie. Malte leur ferme ses ports. Ces enfants perdus, que l’Histoire a malmenés, n’ont plus de place sur une île surpeuplée.
Marseille leur ferait oublier Tunis tant elle ressemble à Tunis. Afin de les protéger de l’oubli, les mêmes cris les accueillent. Colonialistes là-bas, colonialistes ici ; le dépaysement n’est pas pour demain.
Drôles d’ « exploiteurs d’Arabes » en réalité. Les Caruana semblent experts dans l’art de camoufler le trésor que leur a valu la sueur des burnous. Un deux pièces sous les toits, suintant d’humidité, glacial les jours de mistral, four à pain aux premiers rayons de soleil. Jean, garçon d’écurie à l’hippodrome du Pont de Vivaux. La mère, employée par quelques familles de la rue Saint-Férreol, retrouvait ainsi, dans le rôle de fatma, toutes les humiliations infligées aux femmes de ménage qu’elle n’avait jamais pu se payer. Robert, de son côté, avait gagné ses galons de plongeur en eau de vaisselle. Certains restaurateurs d’Aix-en-Provence se souviennent encore de lui. Un banquet, un mariage, l’étudiant en lettres ne refusait jamais les quelques billets que rapportait une nuit d’assiettes sales et de fourneaux encrassés.

Aix-en-Provence 1962.

L’affaire algérienne secoue la France. Deux camps hostiles se font face, prêts à l’affrontement. M. Ménard, prof de lettres modernes à la fac d’Aix-en-Provence, figure parmi les héros de la cause des opprimés. Non pas que sa bravoure le conduise à sortir sa pétaudière dans l’intention de s’opposer à l’OAS les armes à la main. Son courage semble vouloir s’exprimer par ailleurs. C’est ainsi, dans un propos mal assorti, que Robert Caruana s’entend à nouveau traité de sale colonialiste.

40 ans plus tard.

Les décennies ont refermé les cicatrices, ouvrant ainsi la voie aux souvenirs heureux. Le filtre du temps a libéré l’Histoire de ses passions. La Tunisie porte désormais un regard ému sur ses communautés dont elle reconnaît l’amour sans calcul qu’elles lui ont porté. Malte retrouve ses fils éparpillés, auxquels elle offre à présent ses plus beaux sourires dans son désir de les voir accourir, les poches pleines de devises.
Et Robert Caruana a ainsi reconstitué son triptyque : Malte, la Tunisie, la France dans une même phrase et dans bien des livres. L’impérialiste déchu s’est en effet découvert une vocation dans le métier d’écrivain.
La page est tournée. Les exploiteurs de burnous sont passés de mode. La vindicte, inspirée par un racisme bien ordinaire, se porte dorénavant sur les porteurs de burnous, avant de choisir d’autres cibles.
Seul le souvenir de M. Ménard reste en lui comme une tache indélébile. Non pas que son insulte l’ait marqué plus qu’une autre. Son « sale colonialiste » tombait toutefois comme un cheveu sur la soupe.
« Hors sujet. Mal à propos, monsieur Ménard ! » Et cette atteinte à la langue française, Robert Caruana ne pourra jamais vous la pardonner.

Les autres romans de Claude RIZZO, disponibles en librairie :
Au temps du jasmin – Editions Michel Lafon.
Le Maltais de Bab el-Khadra – Editions Michel Lafon.
Je croyais que tout était fini – Editions Michel Lafon.
La secte – Edition Lucien Souny.
Le sentier des aubépines – Editions Lucien Souny.

Île de Malte 1843.
Paul Caruana regardait la lettre posée sur la table. Voilà plus d’une demi-heure qu’elle était devant lui sans qu’il se décidât à l’ouvrir.
— Tu vas l’admirer comme ça jusqu’à ce soir ? lui demanda sa mère.
— Qu’est-ce tu veux que je fasse ?
En plus de ne pas savoir lire, Paul n’avait jamais reçu de lettres jusqu’à ce jour.
— Va voir notre curé. Lui te la lira.
Caruana eut un geste de la tête. Comment oser rendre visite au prêtre alors qu’il ne mettait plus les pieds à l’église depuis des mois ?

Dans la Presse du 26/6/70 : admis en 6ème aux lycées français


Merci encore pour votre travail qui est d’une grande importance pour tous les Anciens.
La promo Terminale C2 du bac 1977 Carnot a pu se réunir à Paris le 1er juillet dernier pour l’anniversaire des 30 ans du Bac.Un retour à Tunis est envisagé pour le groupe élargi à tous ceux qui ont accompagné un moment le noyau dur dans le parcours 2nde C5, 1ère C1 et TC2 cet été pour un week end prolongé. En somme, un nouveau retour comme celui que vous avez organisé en 2005 avec mon amie d’enfance Madeleine Berger-Bennaceur!
Annie COQUIN-GEORGEAC

PS : Voici un extrait de la Presse du 26 juin 1970 où figurent les noms de tous les candidats admis en 6e dans les lycées français de Tunisie, sans ou avec examen.J’espère que vous pourrez en faire bon usage dans le cadre de la réunion prévue le 20 mars prochain, par exemple, ou pour les 15 ans de l’ALCT…

LES CARNOT DANS L’HISTOIRE

Lazare, Nicolas-Sadi, Hippolyte ou Sadi ? Le père, l’un de ses fils ou le petit- fils, tous également dignes de laisser leur nom à de grands lycées?
Le décret de 1894 est muet sur ce point. Mais on peut penser que l’assassinat du Président de la République Sadi Carnot, tout récent, donna l’idée d’appeler Carnot le lycée de Tunis.
Et sans donner de prénom, pour rappeler que le père et l’oncle de Sadi, comme son grand-père Lazare, le « Grand Carnot », élève de Gaspard Monge, méritaient tous la même gloire.
La famille Carnot Les Carnot appartiennent à une très ancienne famille de la Bourgogne. Au 16ème siècle ils sont déjà des notables dans l’Autunois. Au 17ème siècle ils possèdent une charge de notaire royal et d’avocat au Parlement de Bourgogne. Au 18ème siècle, on les retrouve dans la Magistrature et dans l’armée. Le nom des Carnot est connu de tous, mais on en retiendra surtout ceux de :

* Lazare Carnot, né à Nolay en 1753, mort à Magdeburg en 1823. Surnommé le Grand Carnot ou l’Organisateur de la victoire de Wattignies en 1793, qui est son triomphe. Il fit une carrière d’ingénieur militaire. Il fut de ceux qui votèrent la mort de Louis XVI et refusèrent le sursis. Son œuvre scientifique fut des plus remarquables. Dans son « Essai sur les machines en général » il étudie les lois générales du choc, précise l’application du principe de Maupertuis. Dans sa « Géométrie de Position » il est, avec Monge, son maître, l’un des créateurs de la géométrie moderne.
* Nicolas-Sadi Carnot, né et mort à Paris (1796-1832), 1er fils de Lazare Carnot. Polytechnicien et inventeur de la thermodynamique. Hippolyte Carnot, 2e fils de Lazare Carnot né à Saint-Omer en 1801, mort à Paris en 1888. Adepte du saint-simonisme dont il développe les idées dans la presse, il prend part à la révolution de 1830. Député de 1839 à 1849, il siège au centre gauche. Il est ministre de l’Instruction Publique en 1848 et établit un projet d’éducation gratuite et obligatoire.
* Sadi Carnot né à Limoges en 1837, mort à Lyon en 1894. Il est le fils aîné d’Hippolyte, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées. Sa carrière politique débute en 1870 lorsqu’il est nommé préfet de la République en Seine-Inférieure. Après la démission de Jules Grévy, Sadi Carnot est élu à la présidence de la République à une écrasante majorité en 1887. C’est un homme intègre, connu pour son respect de l’Eglise. Il fait front devant la crise boulangiste et favorise la politique de l’alliance russe. Il est assassiné le 21 juin 1894 à Lyon par l’anarchiste Caserio.

source : site du lycée Carnot de Paris En 1894, le lycée de Tunis fit place au Lycée Carnot. Pourquoi Carnot ? Et en souvenir de quel Carnot ?

Donnez-nous des informations sur la liste des lycées français de Tunisie

*Bizerte/
– Lycée Stephen Pichon (1920) => Lycée Farhat Hached (1961)
élèves : Bertrand Delanoë, Charles Villeneuve, Jacques Charrier* Tunis
– Lycée Carnot (1893) => Lycée Bourguiba (1983)
professeurs : François Châtelet, Jean Amrouche, Claude Hagège, Albert Memmi
élèves : Habib Bourguiba, Philippe Seguin, Serge Moati, Loris Azzaro, Ferid oughedir, Alain-Gérard Slama, Pierre Benoit

– Lycée de jeunes filles Armand Fallières

– Lycée de jeunes filles Paul Cambon
élèves : Claudia Cardinale

– Lycée de Mutuelleville (1956) => Lycée Pierre Mendès France (1983)

– Lycée de la Marsa (Cailloux) => Lycée Gustave Flaubert

– Sousse
– Lycée Charles Nicolle

– Sfax
– Lycée
– Groupe scolaire Albert CamusVoici une liste des lycées français (avec les noms qu’ils portent maintenant qu’ils sont tunisiens) et de leurs élèves célèbres (en France, en Tunisie et ailleurs).
Envoyez-nous vos corrections, remarques, ajouts … à alct@free.fr
Remarque : aujourd’hui, il y a deux lycées français en Tunisie : le lycée Pierre Mendès-France à Mutuelleville et le lycée Gustave Flaubert à la Marsa.

Vous êtes tous créatifs ! d’Hubert JAOUI


Son credo : réveiller et faire fructifier ses ressources cachées pour se dépasser. Couple, éducation des enfants, amitié, travail : grâce à votre imagination et votre créativité enfin libérées, vous allez trouver des solutions originales à tous vos soucis.Faites comme Hubert Jaoui (lc 1956/philo) : devenez le metteur en scène de votre vie. (comme sa fille Agnès !!!). Ouvrage publié chez France-Loisirs